CAFE-BABEL - Ici, l'on causehttp://cafe-babel.cowblog.fr*CowblogfrThu, 10 Apr 2014 15:50:22 +0200180http://cafe-babel.cowblog.fr/article-3263317.html-]]>http://cafe-babel.cowblog.fr/commentaires-3263317.htmlThu, 10 Apr 2014 15:50:00 +0200http://cafe-babel.cowblog.fr/article-3263317.htmlhttp://cafe-babel.cowblog.fr/l-image-ecrite-ou-la-deraison-graphique-1-3166779.htmlL'image écrite ou la déraison graphique (1)(Désolée pour la mise en page, les espaces n'importe comment n'importe où ; l'éditeur de texte ne veut rien savoir, et ça me blase un peu, donc tant pis.)

Notes rédigées à partir de
ANNE-MARIE CHRISTIN,
L'image écrite ou la déraison graphique, dans “Le partenaire silencieux” : “L’empire du je” et “L’autre sujet”, pp123 à 168

Quelques mots sur le livre en lui-même

A.-M Christin tente d'y montrer pourquoi l'écriture ne peut avoir la parole et la langue pour uniques sources ; que s'il y a écriture, c'est aussi et d'abord parce qu'un changement de perspective a révélé l'« écran », donc l'espace neuf et potentiellement exploitable, aménageable, de ce que l'on percevait auparavant comme une simple surface (pour exemple : un basculement perceptif est nécessaire pour qu'une pierre plate ou que le mur d'une grotte devienne un support à gravure ou à peinture). Ainsi, le dessin, les idéogrammes et l'écriture proprement dite ont-ils pu voir le jour dans cet espace tout imaginaire dévoilé avec l'écran, mais pas avant.


C'est dans ce (large) cadre que l'on trouve les deux sous-chapitres dont j'ai décidé de tester l'articulation (le premier par obligation logique, parce qu'il pose les prémisses nécessaires à la compréhension du second, que j'ai trouvé... aussi rafraîchissant qu'une bouffée d'air). Leur propos est double :
-il s'agit de situer le sujet occidental par rapport au sujet tel qu'on le perçoit en Chine et au Japon (dont l'écriture et la langue diffèrent profondément des nôtres) ;
-le contraste fait apparaître abus et fourvoiements occidentaux sur la question de l'écriture : l'auteur s'en inquiète longuement, c'est là un second point nodal de l'argumentation.


Premier sous-chapitre - L'empire du je (pp123-144)


« Je pense, donc je suis .» Nous sommes en 1637 quand cette sentence détonne dans le paysage philosophique français (on la traduira alors par « cogito ergo sum »). Quatre ans plus tard, sa cousine latine (« ego sum, ego existo » = « je suis, j'existe ») , formulée spécialement pour lui ressembler dans la mise en valeur du sujet, apparaîtra dans les Méditations Philosophiques. Mais il y a beau temps que la découverte est scellée.
Or il n'est pas anodin que ce soit en français que Descartes l'ait d'abord énoncée. Contrairement au latin où seul le « je » d'emphase (cet « ego » aperçu plus haut) peut être détaché du verbe, on voit dans la langue française, un « je » représentatif de l'individu à la fois détaché du verbe (de l'action) et indéfectiblement lié à lui. Descartes n'aura donc eu qu'à regarder, qu'à ausculter la langue, pour découvrir le cogito.
De plus, par sa nature pronominale (et non prénommante), « je » ne désigne spécifiquement personne ; il peut englober n'importe quel énonciateur du cogito. En ceci il est sans lieu : « une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui, pour être, n'a besoin d'aucun lieu » (R. Descartes, Discours de la méthode).


Avec la naissance du sujet cartésien, une série d'oppositions auparavant impensables (ou du moins, pas jusqu'en leurs extrêmes conséquences) aura donc vu le jour :
-l'opposition de la pensée au corps (substance pensante/substance étendue)
-l'opposition du discours au point de vue
-l'opposition du temps à l'espace (le discours se déroule dans le temps..., etc.)
Fait notable : elles recouvrent une autre opposition considérable et plus vaste, celle du sujet occidental et du sujet de l'Extrême-Orient sinisé (il sera question de ce dernier au second sous-chapitre).
Le premier des deux descend directement du sujet cartésien : il n'existe que par l'énonciation, c'est un sujet temporel et atopique. Toute philosophie occidentale du sujet a dû prendre position sur ce socle de convictions tenaces, fût-ce pour s'y opposer ; et c'est sur elle que s'est fondée la linguistique de l'énonciation telle que nous la connaissons. Celle de Benveniste, par exemple, qui, explorant les « marques formelles de l'énonciation », s'appuiera sur un « je » pensant, parlant, temporel et détenteur de l'exclusivité du rapport humain au monde.


Ceci étant, on comprend sans peine pourquoi les occidentaux eurent tant de mal à penser efficacement l'écrit. L'essence même de l'écriture bafoue les deux conditions élémentaires d'existence de leur (de notre!) sujet séculaire :
-car le locuteur est absent de l'écrit
-et que l'écriture « n'existe que dans et par sa matière » (tandis que le sujet cartésien est atopos)


Premier indice de la méprise occidentale au sujet de l'écriture : les deux caractéristiques sus-citées ont souvent été associées sans distinction comme si elles s'impliquaient mutuellement. On voit notamment cela chez Lyotard ou Derrida, ce dernier allant même jusqu'à lire dans l'écriture une totale et infrangible absence : il en situe le sujet à l'extrême opposé de tout point de vue : une non-substance, une altérité sans contrepartie, car tout ce qui entretient avec le sujet un rapport un peu intime est absent de l'écriture : le locuteur comme le référent s'en sont retirés ; elle demeure là, fondamentalement trouée, comme « supplément d'origine » (selon le terme derridien... ; et sous réserve d'erreur, je l'interpréterais comme une source de sens vierge de toute prise de position, un hors-sujet ou un hors-je). Derrida conclut : « on rend compte ainsi de ce que l'altérité absolue de l'écriture puisse néanmoins affecter, du dehors, en son dedans, la parole vive : l'altérer. » (Cet hors-je serait un possible pour-je ?)


Second trait typiquement occidental de la réflexion sur l'écriture, hérité d'un mode de pensée judéo-chrétien : cette tendance à transcendantaliser le signe. Derrida lui-même s'y est laissé prendre, lui pourtant farouchement opposé à toute invocation des « racines métaphysico-théologiques » pour une pensée de la signification. « Aucun signifiant n'a de réalité unique et singulière », écrira-t-il. Cela rejoint un peu l'approche cartésienne du pronom (en ce qu'il n'a pas de lieu puisqu'il ne nomme rien de précis), et s'élève on ne peut plus radicalement contre toute idée sinisée (donc spatiale et immanente, comme je tacherai de l'expliquer plus loin) de l'écriture.


« L'idéalisme logocentriste est un phonocentrisme », conclut A.-M Christin. (Phonocentrisme : de « phonétique » ; autrement dit : interpréter l'écriture comme tournant exclusivement autour de la langue et du discours, c'est la ramener et même la subordonner à la parole orale et, par voie de conséquence, au son). « L'idéalisme logocentriste est un phonocentrisme », donc. Et toute la substance des préjugés occidentaux sur l'écriture repose dans cette affirmation. Nos civilisations d'origines judéo-chrétienne, germanique et romaine, ont longtemps dévalorisé la portée signifiante des gestes et, de façon plus générale, de toute langue des signes, parce qu'elle donnait à voir et non à entendre et conceptualiser. Tout le visible qui fait la matérialité d'un texte, chez nous, peut vite évoquer le superficiel : à s'y trop intéresser, on manquerait la transcendance, le pouvoir du Verbe, de l'Essentiel, de tout ce qui serait potentiellement fécond (voir l'opposition de la Lettre à l'Esprit, par exemple). C'est d'ailleurs dans notre civilisation qu'a germé cette représentation de la main créatrice sans corps, du dieu désincarné dans sa présence un peu flottante, et c'est dans un rapport constant à ces conceptions théologiques que s'inscrit le « je » cartésien. « Même retour de l'acte et de la toute-puissance sur soi », constate Christin.


Dans ces conditions, il n'est guère étonnant que l'idéogramme n'ait pu être conçu que comme une étape imparfaite de l'écriture dans son évolution vers une forme alphabétisée (cette dernière se comportant comme un serviteur de la parole, puisque l'alphabet, phonocentrique de son état, se calque donc sur les sons).
La divergence des rapports à l'acte d'écrire, selon que l'on soit chinois ou occidental, est elle aussi révélatrice d'une conception plus fermée des choses par chez nous. Barthes, par exemple, avait relevé l'importance et l'étrangeté de l'acte de tracer les lettres. Qu'est-ce que cela signifie pour notre vécu de l'écrit ? Qui est le sujet de cette trace ? Si l'on suppose, avec Merleau-Ponty, ce sujet comme puissance d'action à distance du regard au seuil d'un corps, nous restons loin du compte. « Est-ce cela, « penser en peinture », ce retour à son corps propre comme à un lieu tendre et clos, cette revanche d'enfant puni frileusement savourée après que l'ascèse de Descartes nous en eut longtemps privés (…) ? Et l'espace dont dispose ce corps-regard n'est-il qu'un enclos de jardinier autour de la maison, où l'imaginaire s'émerveille, comme celui de Monet à Giverny, de compter les fleurs ? Est-ce ainsi que nous devons comprendre le geste du calligraphe chinois ?» (A.-M. Christin)
Non, tout à l'inverse. Là où nous invoquons la trace, c'est sur un phénomène d'équilibrage des vides et des pleins que ce dernier se concentre. L'espace qui sépare les figures est aussi, sinon plus important que les figures elles-mêmes. Il les lie.
Cf la belle citation de Ch'eng Yao-t'ien qui clôt ce sous-chapitre (elle est un peu longue pour figurer dans ce résumé).
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http://cafe-babel.cowblog.fr/commentaires-3166779.htmlMon, 06 Feb 2012 18:20:00 +0100http://cafe-babel.cowblog.fr/l-image-ecrite-ou-la-deraison-graphique-1-3166779.html
http://cafe-babel.cowblog.fr/cafe-babel-sur-babelio-3015219.htmlCafé-Babel sur BabelioCafé-Babel a déniché une petite bibliothèque pour y ranger les livres qui donnent matière à penser à leurs lecteurs !

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http://cafe-babel.cowblog.fr/commentaires-3015219.htmlSun, 04 Jul 2010 10:53:00 +0200http://cafe-babel.cowblog.fr/cafe-babel-sur-babelio-3015219.html
http://cafe-babel.cowblog.fr/relationality-s-a-mitchell-traduction-chap-3-p59-3010601.htmlRelationality - S.A. Mitchell (traduction, chap 3, p59)Introduction & p57 - p58 - Retour au sommaire du blog

p59


Pour situer leur centre de gravité conceptuel, les différents auteurs du relationnel tendent à mettre l'accent sur l'une ou l'autre de ces dimensions. Ainsi, par exemple, Bowbly s'est-il davantage intéressé au comportement : que se font mutuellement les mères et les enfants. Certainement s'est-il aussi préoccupé de l'affect, des self-other configurations et de l'intersubjectivité, mais il l'a fait à partir de ce qu'il considérait être les motifs comportementaux instinctifs et fondamentaux de l'attachement. Fairbairn a surtout prêté attention aux self-other configurations : les moi (egos) libidinaux et anti-libidinaux dans leur relation aux objets. Il fit aussi grand cas des comportements, des affects et de l'intersubjectivité, mais tout cela était compris chez lui comme dérivant de relations d'objet interne sous-jacentes. Benjamin (1988, 1995, 1998) [quant à elle], s'intéresse plutôt à l'intersubjectivité : le développement de la sensation de soi comme un sujet agent particulier, par rapport à d'autres sujets agents particuliers. Elle se soucie aussi des comportements, des affects et des self-other configurations, mais place ces dimensions dans le contexte d'une trajectoire révélant l'intersubjectivité.
La structure relationnelle suggérée dans ce chapitre, est offerte en guise de dispositif euristique ayant pour but de situer, juxtaposer et intégrer différents types d'exploration des différentes dimensions de la relationnalité. Cela n'est pas censé être un arrangement conceptuel de Procuste, ni ne prétend sculpter la nature sur le modèle de ses articulations. On peut ordonner les différentes théories et notions interactives de bien des façons. J'espère [ici] démontrer que le projet de juxtaposer différentes dimensions relationnelles en une hiérarchie aux motifs organisationnels de plus en plus sophistiqués, est utile pour une synthèse critique des concepts relationnels, pour examiner en détail les implications cliniques de l'interaction en situation analytique, et pour explorer un certain nombre de choix quotidiens des cliniciens, à propos de ce qu'il faut admettre ou non de leurs impressions/considérations, et de ce qu'ils font en pratique*.
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*about what to say or not to say about what they are feeling and what they are doing.

* * *

Plan de la suite du chapitre :

MODE 1 : NONREFLECTIVE BEHAVIOR
MODE 2 : AFFECTIVE PERMEABILITY
MODE 3 : SELF-OTHER CONFIGURATIONS
MODE 4 : INTERSUBJECTIVITY
FEELINGS IN THE AIR
THE EMBEDDEDNESS OF AFFECT AND PROCESS
AFFECT ; CONTROLLED AND UNCONTROLLED
THE ANALYT'S CHOICES
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http://cafe-babel.cowblog.fr/commentaires-3010601.htmlMon, 21 Jun 2010 01:15:00 +0200http://cafe-babel.cowblog.fr/relationality-s-a-mitchell-traduction-chap-3-p59-3010601.html
http://cafe-babel.cowblog.fr/projet-3009943.htmlProjet

Y a-t-il pensée sans représentation ? Non, à moins de confondre la pensée avec le stimulus qui la provoque. Toute pensée, consciente ou inconsciente, est de l'ordre de la représentation.

A la base du concept de représentation il y a d'une part l'opposition de la représentation avec son représenté et d'autre part cette idée assez paradoxale qu'une représentation n'est possible que si elle préexiste au représenté. Kant avait très bien vu que la chose - nous pourrions dire aussi le stimulus - n'est pas ce qui produit la connaissance; celle-ci a donc besoin pour opérer des deux formes pures de l'intuition sensible et des catégories de l'entendement. Telle est la réponse qu'il fournit. La représentation n'est donc jamais simple présentation, mais, confrontation du stimulus primaire avec un ensemble de données que faute de mieux nous qualifieront de formelles; elle est, comme l'indique son nom une répétition.

Faut-il comme Kant postuler dans la constitution même de l'entendement, ou si l'on veut de l'appareil psychique, un ensemble d'éléments a priori qui ne doivent rien à l'expérience ? Ce qui revient, pour prendre une métaphore astronomique un peu grossière, à affirmer que notre connaissance dépend d'abord des propriétés du télescope qui nous sert d'instrument. Ou, faut-il plutôt admettre, comme le font Klein, et Winnicott, que l'instrument est pour une très large part construit dans les mois qui suivent la naissance et peut-être aussi pendant la grossesse, dans une relation étroite de l'enfant avec sa mère puis son environnement immédiat structuré selon l'oedipe ?

En tout état de cause nous retiendrons la distinction fondamentale que kant établit entre la chose en soi et le phénomène, mais sous une forme un peu particulière.

Essayons de ne pas raisonner à partir de certaines oppositions pertinente dans un nombre limité de cas et franchement trompeuses dans d'autres, telles que interne / externe, concret / abstrait, réel / conceptuel. C'est ce que nous faisons quand nous considérons la représentation comme un double purement mental du réel et que nous opposons un réel qui serait extérieur à nous à une représentation forcément interne. Tout cela n'est pas complètement dénué de fondements intuitifs, mais c'est aussi faux que l'idée de faire tourner le soleil autour de la terre.

Le jeu de la représentation est bien plus complexe que cela. D'abord, tout ce que naïvement nous appelons le réel est forcément de l'ordre de la représentation. Quand nous associons deux objets que nous considérons comme réels ou, plus simplement, comme existant hors de nous, comme cet arbre et cette maison, nous n'associons que nos représentations. Nous réserverons donc le substantif réel (le réel) à ce qui justement échappe à la représentation, à ce qui n'est pas couvert par elle, soit du fait de n'être pas encore entré dans notre champ de représentation, soit qu'il soit de facto inaccessible à celui-ci. Le réel est donc soit le non-représenté, soit le non-représentable. Dans le premier cas, c'est quelque chose qui vous attend au détour du chemin et à quoi vous ne sauriez vous attendre. On peut supposer dès lors que le nouveau-né subit la prépondérence du réel sur le représenté et qu'il éprouve un besoin vital d'étendre le champ de la représentation, ce à quoi il ne parviendra qu'en se constituant comme sujet. On peut avoir une vague idée du réel dans la littérature en méditant sur l'adjectif indicible.

Dès lors, notre activité mentale, ce que nous appelons la pensée, se déroule entièrement dans le champ de la représentation et par la médiation de ce que les linguistes appellent le signifiant. Le signifiant c'est une représentation dont la relation à un réel supposé est mise entre parenthèses au profit d'une relation à un autre signifiant. Ainsi, la perception d'une lettre sur un morceau de papier ne nous renvoie plus à une tache noire arbitraire, géométriquement ou chimiquement descriptible, mais à un son. Ainsi, une "chose" peut-elle être identifiée à une autre, utilisée pour une autre. C'est ainsi que l'ensemble des représentations muni de toutes ses opérations internes peut être appelé le symbolique. Nous reviendrons ultérieurement sur cette notion d'opération interne, mais notons cependant que toujours elles dépendent de la nature des éléments qu'elles combinent: elles obéissent aux caractéristiques propres du signifiant. Le sujet, lorsqu'il opère dans le champ des représentations n'est donc pas en lien avec le réel, le scientifique pas plus que le poète. La démarche scientifique n'est pas plus en prise sur le réel que n'importe quelle autre, à cela près qu'elle s'impose des règles de cohérence qui collent le plus étroitement possible aux données fournies par cette confrontation particulière de représentations que nous appelons expérience scientifique. Elle oriente sa recherche de représentations nouvelles grâce à des systèmes sophistiqués de représentations dont la propriété est d'être exemptes de contradiction aussi longtemps que possible; lorsque cela arrive, le modèle est adapté aux conditions nouvelles ou carrément aboli au profit d'un autre radicalement différent ou capable d'inclure l'ancien à titre d'élément subordonné.

Notre propos n'est pas de rendre compte du discours scientifique, mais bien d'essayer de penser ce qui est commun au scientifique et au poète dans le traitement de ses représentations, base commune qui permet d'ailleurs au scientifique d'être aussi poète sans se renier lui-même.

Nous ne suivrons pas la voie de l'a-priori kantien, ni ne nous cantonnerons au cadre de la phénoménologie, en tout cas pas au début, préférant la perspective génétique ouverte par les travaux de Melanie Klein et de D.W. Winnicott. Nous avons toujours pensé et défendu, nous référant à Lacan, que la psychanalyse a d'abord pour objet la dynamique de la représentation, qu'elle considère le sujet en tant qu'organisateur de ses représentations, soumis aux lois contraignantes du signifiant, qu'elle représente le complément nécessaire de la biologie pour rendre compte non pas du fait que nous pensons mais de la manière dont cette pensée en se développant, nous construit.

Comme point d'accès à cette problématique, nous choisirons un cas paradoxal, celui du mode de pensée autistique. L'autisme se présente à nous en effet comme le démenti de l'universalité de certaines normes de la pensée. Loin de toute pensée délirante ou dégradée, transformation pathologique d'une pensée considérée comme "normale", comme c'est le cas dans le délire paranoïaque par exemple, l'autiste nous révèle à des degrés divers un mode cognitif autre, un fonctionnement radicalement différent du mode de production des représentations. Si différent que nous sommes obligés de revoir complètement notre conception courante de la normalité, voire notre définition de l'humain. Nous espérons que cette voie sera féconde.

Directions de recherche :

1. Les modèles freudiens du fonctionnement psychique (Entwurf, Traumdeutung, écrits métapsychologiques, derniers écrits);

2. Les travaux de l'école anglaise : Melanie Klein, D. Winnicott, W Bion;

3. La question de l'autisme (bibliographie à constituer);

5. Les travaux de Lacan sur le signifiant, en particulier ceux qui traitent de topologie et des noeuds borroméens ;

6. Topologie proprement dite.

Toute contribution de personnes s'intéressant à ces questions est naturellement la bienvenue.

 

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http://cafe-babel.cowblog.fr/commentaires-3009943.htmlSat, 19 Jun 2010 18:19:00 +0200http://cafe-babel.cowblog.fr/projet-3009943.html
http://cafe-babel.cowblog.fr/relationality-from-attachment-to-intersubjectivity-stephen-a-mitchell-p58-3005564.htmlRelationality - From attachment to intersubjectivity (Stephen A. Mitchell), p58
Il y a, comme nous avons vu, un concept supplémentaire, extrêmement important et stimulant (provocative) qui peut être éliminé des apports loewaldiens, et qui fut un terrain moins fréquenté : nos esprits organisent nos expériences selon différents principes, structures organisationnelles variables. Ces plans d'organisation apparaissent successivement au cours du développement, mais ils fonctionnent aussi simultanément dans l'expérience adulte, sur un continuum allant du conscient à l'inconscient. Le plus souvent, Loewald met en contraste les processus primaires et les processus secondaires, "niveaux d'organisation", variables selon les degrés d'articulation des limites spatiales entre soi et l'autre, intérieur et extérieur, et [selon] les limites temporelles entre passé, présent et futur. Ogden (1989) a plus récemment présenté une vision analogue de l'esprit, organisé, simultanément, en différents "modes" : autistic-contiguous, paranoïde-schizoïde, et historique. Les modes de Ogden, comme les niveaux de Loewald, varient selon les degrés d'articulation des limites spatiales autour de soi et entre soi et les autres, la scission (split) contre les relations d'objet total dans l'expérience de la réalité, et la prise de conscience de l'irréversabilité du temps. Comme Loewald, Ogden comprend ces modes comme naissant successivement pendant le développement précoce, mais aussi comme opérant ensemble dans une tension dialectique, tout au long du cycle de vie. Un seul mode correspond au premier-plan conscient de l'expérience à un moment quelconque, mais les autres traitent toujours aussi l'expérience selon leurs propres conditions.
Le projet de ce chapitre est d'esquisser ces principes, afin d'introduire quatre différents modes ou catégories pour rassembler (housing) et comparer différentes perspectives sur, et différentes causes de la relationalité. Je vais proposer quatre dimensions interactionelles, quatre modes fondamentaux au travers desquels opère la relationalité. Comme la distinction de Loewald entre les processus primaires et secondaires, et comme les modes autistic-contiguous, paranoïde-schizoïde et historique d'Ogden, les modes que je démêle et décris s'étendent, progressivement, à des degrés de sophistication organisationnelle. Le mode 1 concerne ce que les gens font vraiment les uns avec les autres -comportement pré-symbolique, non-réfléchi ; les moyens par lesquels les champs relationnels sont organisés autour de l'influence réciproque et de la régulation mutuelle. Le mode 2 est l'expérience partagée d'un affect intense qui traverse des limites perméables*. Le mode 3 est l'expérience organisée en self other configurations. Le mode 4 est l'intersubjectivité, la reconnaissance mutuelle de personnes en tant qu'agents conscients d'eux-mêmes.

*limites spatiales dont on a parlé plus haut, je pense. Il serait donc ici question de l'empathie.

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http://cafe-babel.cowblog.fr/commentaires-3005564.htmlTue, 08 Jun 2010 15:34:00 +0200http://cafe-babel.cowblog.fr/relationality-from-attachment-to-intersubjectivity-stephen-a-mitchell-p58-3005564.html
http://cafe-babel.cowblog.fr/relationality-from-attachment-to-intersubjectivity-stephen-a-mitchell-3005229.htmlRelationality - From attachment to intersubjectivity (Stephen A. Mitchell)Relationality (2000), de Stephen A. Mitchell (1946-2000). Pour que les articles ne soient pas trop lourds, je me limiterai à une page par jour (sans couper au coeur d'un paragraphe, cela va de soi). 
Plusieurs mises en garde :
1- Je reste très littérale, de peur de trahir le texte par des ajouts impertinents -d'autant que je découvre l'auteur.
2- J'ai traduit mind par esprit, sans être certaine que c'est ce qui convient.
3- Lorsqu'il m'a fallu choisir entre plusieurs solutions de traduction témoignant d'interprétations sensiblement différentes, j'ai laissé entre parenthèses le mot ou l'expression original(e).
4- Toute correction de mes balbutiements est naturellement la bienvenue.

Relationality - From Attachment to Intersubjectivity
(The Analytic Press, 2000)

Chapitre 3 : Une hiérarchie interactionelle

p 57

Les aspects fondamentaux de la vision de l'esprit loewaldienne sont communément repris, généralement explicitement, parfois implicitement, par les autres théories relationnelles : les esprits humains sont des phénomènes interactifs ; un esprit humain individuel est un oxymore ; la subjectivité naît toujours en contexte d'intersubjectivité ; nous traitons et organisons continuellement notre prodigieuse complexité et celle de notre monde, dans des motifs réccurents.
Admettre qu'un "esprit individuel" est [une expression] oxymorique, c'est admettre qu'aucun esprit  humain individuel ne peut surgir sui generis et se soutenir [dans l'être] par soi-même, pleinement indépendant des autres esprits. Cela ne contredit pas le fait que les esprits individuels surgissent hors de et à travers l'intériorisation de domaines interpersonnels, et qu'étant apparus de la sorte, ils présentent ce que les théoriciens des systèmes appellent "propriétés émergentes" et "motifs égoïstes" (motives of their own). Ainsi dans un article précédent (1988), distinguai-je entre processus régulés par le champ extérieur (field-regulatory), et processus autorégulateurs. Nous pourrions dire qu'au départ, il y a la matrice relationnelle, sociale, linguistique, dans laquelle nous nous découvrons nous-même ou, comme le posa Heidegger, dans laquelle nous sommes "jetés". Au sein de cette matrice sont conçus, précipités en dehors, les psychismes (psyches) individuels avec des espaces intérieurs subjectivement appréhendés. Ces espaces subjectifs commencent comme microcosmes du domaine relationnel, dans lesquels les relations interpersonnelles macrocosmiques sont intériorisées et transformées en expérience clairement particulière ; et ces expériences particulières sont, tour à tour, régulées et transformées, générant de nouvelles propriétés émergentes, qui à leur tour créent de nouvelles formes interpersonnelles, lesquelles affectent les motifs macrocosmiques de l'interaction. Les processus relationnels interpersonnels génèrent des processus relationnels intrapsychiques, qui remodèlent les processus interpersonnels remodelant les processus intrapsychiques, sans cesse, en un infini ruban de Möbius dans lequel intérieur et extérieur se régénèrent perpétuellement, et se transforment eux-mêmes et l'un l'autre.
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http://cafe-babel.cowblog.fr/commentaires-3005229.htmlMon, 07 Jun 2010 17:22:00 +0200http://cafe-babel.cowblog.fr/relationality-from-attachment-to-intersubjectivity-stephen-a-mitchell-3005229.html
http://cafe-babel.cowblog.fr/l-humour-du-critique-2998663.htmlL'humour du critiqueSous couvert d'humour, évidemment, il s'agit là d'une critique communautarienne émise par Michael Sandel à l'égard de John Rawls.
Sandel tâche d'illustrer ici la soi-disant impertinence du principe de différence dans la Théorie de la Justice : dans une société de coopération "à la Rawls", sans but commun ni valeurs partagées (donc sans ciment moral), qu'est-ce qui peut pousser les individus à développer malgré tout une forme de solidarité ? Qu'est-ce qui justifie la mise en commun des talents individuels ? Pourquoi est-ce la société qui doit en jouir, puisque c'est censément la liberté qui prime et que l'égoïsme pourrait tout aussi bien s'ensuivre ? Peut-on parler d'une instrumentalisation de l'individu, ou du moins de ses talents, pour servir la société ? Cette société aurait-elle donc, finalement et quand même, une fin ? Et n'est-il pas totalement anti-kantien, et même anti-rawlsien, de réduire l'individu à un moyen ?
Introduction un peu rapide, c'est vrai.
Mais lorsque Sandel illustre sa critique, cela devient amusant, et je n'ai pas résisté à l'envie de laisser cela ici...
(ne pas hésiter à passer cet article en purgatoire, parce que je n'y commente pas grand chose)

http://cafe-babel.cowblog.fr/images/photos/Sandel0001.jpghttp://cafe-babel.cowblog.fr/images/photos/Sandel0002.jpg
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http://cafe-babel.cowblog.fr/commentaires-2998663.htmlWed, 19 May 2010 22:03:00 +0200http://cafe-babel.cowblog.fr/l-humour-du-critique-2998663.html
http://cafe-babel.cowblog.fr/la-justice-comme-equite-sections-20-et-21-pp107-a-113-notes-2975471.htmlLa justice comme équité - Sections 20 et 21, pp107 à 113, notesSection 20 : Attentes légitimes, titres, et mérite, p107

1.  Toute revendication légitime et tout titre n'existent qu'en vertu d'un système de règles institutionnelles. Si ces règles sont compatibles avec les principes de justice et si les titres son respectés, alors la distribution est juste, estime Rawls.

2. On pourrait reprocher à cette conception des choses de faire fi du mérite dans sa dimension morale. Pour autant, elle admet et intègre l'idée du mérite, sous trois formes :
-"l'idée de mérite moral (moral desert) au sens strict". (concernant actions et vertus)
-"l'idée d'attentes légitimes (et son idée complémentaire de titres), qui est l'autre face du principe d'équité"
-"l'idée de mérite institutionnel (deservingness) telle qu'elle est définie par un système de règles publiques conçues pour atteindre certains objectifs"
Petits commentaires de Rawls : la justice comme équité ne peut pas développer le concept de "mérite moral" comme le font les doctrines englobantes, parce que le pluralisme rationnel mènerait à des divergences d'opinions et que ce n'est pas compatible avec la visée politique du système qu'il tente de développer.

3. Par rapport aux attentes légitimes, il explique qu'elles dépendent probablement des cas. On ne peut pas exiger par exemple que le principe de différence s'applique directement entre les membres d'une famille. Ce serait ridicule. Les principes ne sont là que pour chapeauter l'établissement des règles.
Enfin, on peut rapprocher l'idée du mérite institutionnel de celui qui découle du respect des règles d'un jeu. Selon les règles du jeu, il faut mettre en oeuvre différentes qualités pour gagner. Dans un système de règles publiques, c'est la même chose. Et le mérite des citoyens est alors considéré comme d'autant plus grand qu'ils font preuve des qualités qu'exigent les règles. Indépendamment du système de règles, le mérite est néant, politiquement parlant.

4. "La justice comme équité ne fait usage que de la deuxième et de la troisième idée du mérite."
Par rapport à la troisième idée, deux choses encore, dans l'ordre de leur importance :
-Il existe autant de conceptions du mérite institutionnel qu'il peut y avoir de systèmes de règles publiques
-Dans un système bien conçu, le fossé entre ceux qui "méritent" et ceux dont les entreprises sont couronnées de succès est comblé au mieux (mais jamais totalement)

Section 21 : A propos de la conception des dons innés comme atout commun, p110

1. Le mérite ne s'obtient pas du fait que l'on ait des dons innés. (cf Théorie de la Justice, §17) Il doit découler d'une décision volontaire, de quelque chose sur quoi l'individu a prise. Et c'est précisément cela que mettent en avant la première et la troisième idée de "mérite" décrites à la section précédente.
Les attentes légitimes d'un citoyen ne peuvent récompenser que les efforts qu'il aura fait pour le bien commun.

2. Précision sur le §17 de Théorie de la Justice (p101) : le principe de différence est l'aboutissement d'un accord selon lesquels les partenaires admettent que la distribution des dons innés doit être considérée comme un atout commun. Pour le fonder, on ne part donc nullement du principe de propriété.

3. Il faut bien remarquer que ce ne sont pas les dons innés eux-mêmes qui sont considérés comme un atout commun, mais leur distribution, c'est-à-dire leur diversité et leur différence de degrés, qui est utile à la société. Rawls donne ici l'exemple d'un orchestre : le fait que chaque musicien joue d'un instrument différent permet à l'oeuvre d'exister. Il en va de même en société : la complémentarité des dons est un atout.

4. L'expression "atout commun" fait référence au "plus" que peut devenir la société qui aurait accompli l'idéal d'égalité démocratique. La nature est injuste dans la répartition des dons innés, mais trouver un principe qui composerait avec cette injustice pour s'accomplir en une justice sociale, c'est là le but de la justice comme équité. Avec le principe de différence, c'est la réciprocité qui réunit : on encourage les plus doués à développer leurs dons, et ils sont dits méritants s'ils mettent ensuite ces dons au service du bien-être de l'ensemble de la communauté (les moins doués comme les plus doués).
Cette avant-dernière section de la partie II est aussi l'occasion pour Rawls de donner au lecteur un aperçu des problèmes dont traitera la partie III. A terme, son objectif sera de réconcilier le citoyen avec sa société (voir partie 1,section 1, point 3).


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http://cafe-babel.cowblog.fr/commentaires-2975471.htmlThu, 11 Mar 2010 18:53:00 +0100http://cafe-babel.cowblog.fr/la-justice-comme-equite-sections-20-et-21-pp107-a-113-notes-2975471.html
http://cafe-babel.cowblog.fr/au-dela-du-principe-de-plaisir-chap-5-2973813.htmlAu-delà du principe de plaisir, chap. 5

Au-delà du principe de plaisir
Notes et réflexions

Chapitre 5

Il y a quelque chose dans le raisonnement de Freud qui tend à échapper au lecteur. Il faut y revenir plusieurs fois et le ruminer jusqu'à s'éloigner petit à  petit de la lettre même du texte.

Après avoir traité dans le chapitre 4 de l'excitation externe, Freud va consacrer le chapitre 5 aux transferts d'excitation interne. Ce chapitre est donc consacré au concept de pulsion.

La pulsion est d'origine organique. Elle a donc sa source à l'extérieur de l'appareil psychique. Freud définit les pulsions (le pluriel a son importance) comme "les représentants de toutes les forces agissantes qui proviennent de l'intérieur du corps". La formulation est claire : la pulsion ne s'identifie pas aux forces agissantes, elle les représente. Il faut voir dans cette idée l'établissement d'un premier lien entre les processus organiques et les processus psychiques. Il n'est pas abusif, pensons-nous, de dire que la pulsion est la force agissante dans l'organisme telle qu'elle se présente à l'appareil psychique, au même titre que la perception est la sollicitation externe en tant qu'elle se présente elle aussi à l'appareil psychique. Le psychisme subit passivement la pulsion comme il subit passivement l'excitation externe. Cet aspect des choses est tout à fait important, car il permet d'affirmer que la pulsion n'a rien à voir avec la volonté (libre) du sujet. La motion pulsionnelle s'impose, elle appelle une réponse qui, du point de vue de la revendication pulsionnelle peut aller jusqu'à un comportement conscient.

De cette définition, il découle que comme l'excitation provenant immédiatement de la perception, la motion pulsionnelle est non liée.

Sur ce point, Freud reste peu clair. Au tournant des pages 85 et 86, il semble bien identifier la liaison avec la transformation des processus psychiques primaires en processus secondaires : "ce serait alors la tâche des couches supérieures de l'appareil psychique que de lier l'excitation pulsionnelle lorsqu'elle arrive sous forme de processus primaire".

Cette formulation fait problème. Assimiler le non-lié aux processus primaires, c'est définir la pulsion elle-même comme processus psychique.

La question se posera plus tard de savoir si entre la motion pulsionnelle et sa liaison sous forme de processus secondaire, donc sa traduction en mots, il n'y a pas une première forme de liaison. En d'autres terme, les processus primaires seraient déjà liés (liaison ou symbolisation primaire). Le terme de pulsion serait alors réservé à un état plus archaïque de l'excitation interne. On aurait donc trois états, qui vaudraient pour les processus externes comme pour les processus internes : l'état non lié proprement dit, une première liaison correspondant aux processus primaire et une seconde liaison menant aux processus secondaires. Mais Freud ne fait pas cette distinction ici.

A la fin de la page 86, Freud revient sur la compulsion de répétition. Il la décrit comme un mécanisme, un processus psychique particulier qui n'a pas toujours la même fonction. Elle ne s'oppose pas forcément au principe de plaisir, mais elle n'en dépend pas. Elle se situe au-delà hors de la zone (si l'on peut se permettre cette métaphore spatiale) que contrôle le principe de plaisir.

En d'autres termes c'est de l'incontrôlé.

Freud reprend deux des exemples qu'il avait traités au chapitre 2 : le jeu du petit enfant et, chez l'adulte, la compulsion à répéter les événements de l'enfance dans le tranfert.

En quoi consiste la répétition dans le jeu de l'enfant ? Elle n'est pas le jeu lui-même, mais la nécessité de répéter inlassablement celui-ci. Quelque chose fait que l'enfant ne peut s'en empêcher mais il trouve son compte dans la réponse qui est chaque fois donnée. Ce qui importe ici, c'est le changement qui s'opère dans la position du sujet à l'égard de l'excitation qu'il éprouve, le passage de la passivité à l'activité, de la situation subie à la situation maîtrisée.

Je ne peux pas m'empêcher de penser ici à certaines formes d'apprentissage, à la répétition inlassable des mêmes gestes ou des mêmes séquences de gestes par le sportif qui s'entraîne ou le musicien qui travaille sa technique. On y retrouve la recherche de la maîtrise et la répétition inlassable, donc la structure du comportement est semblable. Cependant, ici, la répétition est délibérée; elle est même perçue comme un critère de détermination et de maîtrise de soi.

Les remarques consacrées au jeu d'enfant appellent une autre distinction. Freud énonce deux fonctions différentes de la répétition : la première vise à la maîtrise d'une excitation, donc au renforcement du moi; la seconde vise à la jouissance imméditate et répétée d'une excitation agréable. Ce n'est pas la même chose.

Passons à la compulsion de répétition dans le transfert. Elle n'a rien à voir avec la maîtrise de l'excitation. On est tenté de dire qu'elle n'émane pas de la même zone psychique. La répétition a lieu de toute façon et semble provenir de l'extérieur du moi, de cet au-delà dont parle Freud. Elle s'impose au moi, c'est un processus sur lequel le moi n'a pas prise.

Cette répétition, nous dit Freud, concerne toujours les événements de l'enfance. Et ceux-ci ne se répètent pas sous forme de souvenirs dont on puisse parler, mais indirectement, en grande partie sous la forme de comportements ou de symptômes, donc de manière à la fois visible à l'extérieure, mais inconsciente quant aux motifs.

p. 88

Freud en conclut que "les traces mnésiques refoulées de ses expériences vécues originaires ne sont pas présentes en lui à l'état lié et sont en fait, dans une certaine mesure, inaptes au processus secondaire".

p. 88 "Mais quelle est..."

La compulsion de répétition est l'indice du caractère pulsionnel du processus. Ce premier résultat acquis, il reste à savoir pourquoi la poussée pulsionnelle se manifeste de cette manière.

On comprend que la pulsion soit insistante, qu'elle tende s'imposer; mais pourquoi cette insistance réitérée répète-t-elle toujours la même chose ?

Quand on essaie de comprendre ce que peut être une pulsion, on pense tout d'abord à une force qui s'exerce. On pense aux besoins vitaux de l'organisme, au fait que ces besoins ne peuvent être assouvis de façon interne, qu'ils doivent provoquer des comportements du sujet visant à procurer la nourriture, le repos, les soins indispensables.

Mais Freud va plus loin. Il énonce ce que l'on pourrait appeler une logique générale des pulsion : "Une pulsion serait une poussée inhérente à l'organisme vivant vers le rétablissement d'un état antérieur".

Pesons bien cette définition. Ce vers quoi tend la pulsion, ce n'est pas l'avenir, mais le passé. En fait, la chronologie n'a pas de sens, puisque les processus primaires ne connaissent pas l'avant ou l'après. Donc la pulsion n'est pas une poussée en vue d'un changement, mais en vue du retour à un état antérieure. Dans une situation de déséquilibre, la pulsion n'a pas d'autre objet que le rétablissement de l'équilibre.

Boucle de rétroaction négative.

Plus encore, la pulsion ne va pas vers un inconnu supposé meilleur, mais retourne toujours à quelque chose qui a déjà été vécu.

Je me demande si cette idée - et celle de la pulsion de mort - n'est pas venue à Freud de ce constat livré par l'analyse que ce à quoi aspire fondamentalement tout individu au cours de sa vie, c'est le retour à l'état de la petite enfance et peut-être même à un état pré-natal (narcissisme primaire).

p. 89 Freud généralise : "... la nature conservatrice du vivant"

Cette nature conservatrice ne peut s'exprimer que par un rappel de l'état antérieur.

Exemples :

Frayage de certains poissons, migration des oiseaux, embryologie et hérédité (compulsion de répétition organique).

Je suis pas sûr de m'y retrouver complètement. Ou alors il faut vraiment sortir du cadre de l'organisme individuel.

Tendance ici à assimiler inconscient et pulsionnel. Les processus pulsionnels fonctionneraient comme une sorte de mémoire. Et l'inconscient (personnel ou d'une manière ou d'une autre collectif) nous manipulerait en suivant une logique particulière. Ce serait la part de nous-même qui agirait à notre insu.

Si l'on remonte de la pulsion à ce qui peut la fonder, on est amené à postuler des sortes de programmes qui contraignent l'être vivant à suivre un cours de développement précis suivant une séquence dont les étapes sont fixées à l'avance. Partant de là, on peut dire que toutes les motions pulsionnelles sont fondées sur cette logique de la forme préétablie, du parcours dont les étapes sont fixées.

Quand Freud dit que les pulsions sont historiquement déterminées, il dit que telle pulsion est apparue à un moment historique donné pour corriger un écart entre l'état initial et un état nouveau issu d'une contrainte extérieure. La pulsion a donc pour fonction d'établir une boucle de rétroaction négative. La boucle de rétroaction négative ramène toujours à l'état antérieur. La boucle de rétroaction positive conduit au chantement d'état, à l'éclatement de la forme antérieure.

Elle pourrait aussi bien conduire à la désorganisation et à l'effondrement. Raisonner ainsi nous conduit à la notion de limite. L'organisme biologique est un système dynamique. Or tout changement, le mouvement même du système et surtout les perturbations venant de l'extérieur, met en question la cohérence du système. La réaction n'est donc pas indifférente: elle doit préserver cette cohérence et elle ne peut le faire que dans le sens d'une rétroaction négative, d'un retour à l'équilibre, aux conditions les plus favorables à la conservation du système.

p. 89 "On objecterait facilement..."

La question en suspens est ici celle de savoir ce que devient cette apparente poussée en avant, cette tendance au progrès qui nous paraissent si évidentes.

Au fond, la question ici posée est celle du paradoxe du changement.

A l'échelle individuelle, c'est le paradoxe de la liberté.

A l'échelle de l'espèce, c'est le paradoxe de l'évolution.

Et précisément, c'est la question de savoir si la notion d'une pulsion qui viserait à la production de nouvelles formes n'est pas, dans les termes, contradictoire.

p. 90 Reformulée, l'hypothèse de Freud est : "toutes les pulsions veulent rétablir quelque chose d'antérieur".

Plus précisément : "Toutes les pulsions organiques sont conservatrices, acquises historiquement, dirigées vers la régression et le rétablissement de quelque chose d'antérieur".

Donc une pulsion, ça pousse, mais dans le sens d'un retour à l'état antérieur : boucle de rétroaction négative.

Les êtres vivants sont des sortes d'automates lâchés dans la nature, qui suivent leur programme et corrigent les influences extérieures dans le sens d'un retour à l'état antérieur.

L'idée, c'est que chaque fois que l'état d'équilibre est rompu, une pulsion intervient pour le rétablir. La pulsion ce n'est rien d'autre que cela : un mouvement interne de retour à l'équilibre, l'état ultime d'équilibre étant rien moins que la mort.

Le développement des êtres vivants a lieu sous la pression des forces externes. Chaque étape de ce développement a entraîné l'établissement d'une pulsion visant à corriger le changement.

Quand on lit cela, on a l'impression que Freud en dit plus que ce qu'il a besoin de dire.

La remarque à propos du développement de la terre et de sa relation au soleil est intéressante, car elle perrmet de mieux comprendre ce que Freud a en tête. Le couple Terre-Soleil constitue l'univers du vivant. C'est le champ de toutes les interactions qui ont abouti à la constitution d'une dynamique, laquelle a abouti à un moment donné à l'apparition puis au développement de la vie. Cela a embrayé un processus à l'intérieur duquel sont apparus des êtres vivants, c'est-à-dire des être apparemment autonomes. Une des caractéristiques essentiel des êtres vivants est d'apparaître sous la forme d'individus dotés d'une autonomie relative. Chaque individu se présente comme un système doté d'une dynamique interne, ce qui n'empêche pas qu'il dépende aussi des interactions avec son milieu.

Freud n'utilise pas le terme de système. En outre, nous savons qu'il serait abusif de réserver le terme de système au seuls organismes vivants. L'ensemble Terre - Soleil forme un système, le non-vivant n'est pas inerte.

Mais revenons à la description du vivant et à l'argumentation de Freud.

Jusqu'en 1920, Freud a considéré les choses à partir des problèmes rencontrés par ses patients, dans une perspective médicale visant à les libérer de certains symptômes gênants. Il a envisagé l'inconscient à partir des processus secondaires, donc à partir des normes de la conscience.

La rupture de 1920 consiste essentiellement, à mon avis, en un retournement de perspective. Il considère la conscience et l'ensemble des processus secondaires comme une sorte d'anomalie à la limite. Il situe le point nodal du sujet hors de la sphère de la conscience et aborde la question de sa structure et de sa constitution d'un point de vue systémique, quoiqu'il n'utilise pas ce terme. Le fondement de l'évolution individuelle est d'ordre pulsionnel. Et la pulsion elle-même n'a rien de psychique dans son origine. Elle relève d'un automatisme, mais d'un automatisme structuré.

Les pulsions, nous l'avons vu, ont un caractère historique. Elles font partie du lot de tous les individus dont elles conditionnenent fondamentalement l'existence, de la conception à la mort, mais elles ont trouvé naissance dans l'hisoire biologique de l'espèce.

On comprend dès lors les résistances des héritiers de Freud à intégrer cette rupture de 1920. Celle-ci en effet consiste en un radical changement d'optique et non pas simplement en un approfondissement des données antérieures.

p. 91 La pulsion de mort

Les pulsions auraient donc un but. Le terme de but est déconcertant, car il exprime l'idée d'un projet délibéré. A partir de ce terme, bien des malentendus sont possibles. Je pense qu'on clarifie les choses en disant que les pulsions tendent à un résultat, et ce que résultat en fin de compte est toujours la mort de l'individu vivant. Notre conscience - et notre désir d'immortalité - se greffe sur un support qui ne peut que mourir.

Ici, on note une difficulté.

Freud décrit l'existence individuelle comme une succession d'étapes obligées, comme la récapitulation du parcours accompli par l'espèce, ce qui nous amène au thème de la répétition.

Les représentants individuels de chaque espèce répète les mêmes caractéristiques, les mêmes formes anatomiques, etc.

Ces caractéristiques sont le produit d'une évolution, dont Darwin a exprimé les principes. Freud est clairement darwinien.

Ce que souligne Freud, c'est qu'il n'y a pas dans le vivant un principe qui viserait à plus de complexité. La complexité est une réponse du vivant aux contraintes extérieures, rien de plus. Mais quand le programme génétique de l'espèce a intégré une forme nouvelle, toute la dynamique pulsionnelle vise à sa reproduction mais à rien d'autre. Le caractère conservateur des pulsions consiste uniquement dans le fait qu'elle poussent à la reproduction des caractères existants, et en aucun cas au changement.

On peut considérer la pulsion de deux manières : a) comme l'imposition d'une forme appartenant à l'histoire propre de l'espèce, et b) dans la vie individuelle, comme une tendance au retour à l'acquis, au non changement.

L'individu se voit imposer la logique de développement de son espèce sous la forme d'un programme dont il ne pourra déroger et un rappel à l'ordre impérieux chaque fois qu'il sort du schéma.

p.91

Spéculations sur l'origine de la vie. Qu'est-ce que la vie ? C'est un parcours autonome. Un moment d'évolution autonome.

Toute forme de vie comporte une tendance au retour à l'inanimé, au non-vivant, équivalente à sa "capacité de vie". Donc tout être vivant, après avoir franchi tous les stades de son développement, se défera malgré lui.

Les contraintes extérieures ne doivent pas être comprises comme ce qui mettrait en péril une vie qui par elle-même se maintiendrait et se développerait indéfiniment. C'est au contraire le seul facteur d'évolution.

Un mot sur les pulsions sexuelles. On peut considérer les choses à l'échelle de l'individu ou à celle de l'espèce. A l'échelle de l'être particulier porteur de telle forme vitale ou au contraire à l'échelle de cette forme elle-même. Nous savons que les espèces évoluent et que certaines disparaissent. Il est donc faux de prétendre que si l'individu est mortel, l'espèce ne l'est pas. Disons simplement que l'espèce présente un cycle de vie beaucoup plus ample.

L'individu représente la contrainte de répétition de l'espèce. Dans chaque individu l'espèce se répète. La pulsion sexuelle serait donc la compulsion de répétition de l'espèce.

p.92 Les pulsions d'auto-conservation

Plus fortes que la volonté individuelle, les pulsions d'auto-conservation fonctionnent comme des automatisme visant à préserver l'intégrité de l'individu. Cela contredit-il cette poussée vers la mort dont parle Freud ?

Les pulsions d'auto-conservation ont pour objet non pas l'immortalité du sujet, mais le respect du programme biologique qu'il doit accomplir. Donc le respect du programme compte avant tout.

A la fin de la page 92, Freud souligne bien la différence qu'il y a entre une tendance pulsionnelle et une tendance intelligente. La tendance pulsionnelle ne fait qu'accomplir l'automatisme de répétition du programme biologique, elle n'a donc pas de but.

Dans cette différence, on trouve également l'opposition entre organique et psychique, entre processus primaires et processus secondaires.

p. 93 Les pulsions sexuelles

Il y a en quelque sorte deux cycles en jeu dans une existence individuelle. Le premier est précisément celui de l'organisme singulier: il suit son programme de développement de la conception à la mort. Une phase de croissance récapitulant l'histoire de l'espèce, puis une phase de vieillissement conduisant à la mort. Le second cycle vise simplement à la reproduction du premier; c'est ce que nous pourrions appeler le cycle de l'espèce. La coexistence de ces deux cycles se traduit par deux processus bien distincts : le cycle de vie individuel et la recherche de l'union sexuelle de deux individus aptes à en concevoir un troisième, nouveau. C'est ce qui distingue les pulsion sexuelles des pulsions d'auto-conservation. On pourrait considérer les pulsions sexuelles comme des pulsions visant à continuer l'espèce, à conserver non pas les individus, mais la forme de vie qu'ils représentent.

Mais dans ce passage, Freud fait également remarquer qu'un organisme complexe est un composé de cellules, qui ont elles-mêmes un cycle de vie particulier. Elles sont loin de vivre toutes aussi longtemps que l'organisme dont elles font partie. En outre, les cellules sexuelles sont appelées à se séparer de l'organisme qui les a produites pour former un nouvel organisme.

Il faut souligner la fonction de répétition qu'assument les cellules germinales, car reproduction et répétition, c'est exactement la même chose.

p. 93 "Un fait nous paraît hautement significatif : la cellule germinale doit trouver des forces - ou même la condition nécessaire - pour s'acquitter de cette fonction..."

Les pulsions sexuelles visent au-delà de l'individu. Mais faut-il en conclure à leur décentrement ?

On comprend bien comment fonctionnent les pulsions d'auto-conservation du moi, leur lien avec la cohésion de l'organisme. Elles supposent un principe d'organisation qui assure cette cohésion. Mais les pulsions sexuelles sont d'une autre nature; elles suppose un principe de cohésion différent, permettant la permanence des formes caractéristiques de l'espèce. Loin de jouer un rôle de second plan, elles semblent au contraire dominer la vie psychique dont elles semblent être le principal organisateur.

p. 94 "Les pulsions sexuelles sont conservatrices au même sens que les autres."

Conservatrices au même sens que les autres, les pulsions sexuelles sont appelées ici pulsions de vie. Pulsions de vie pour qui ? Parce qu'elles permettent la poursuite de la vie au-delà de l'existence strictement individuelle ? Cette manière de voir n'est pas très satisfaisante. Ne peut-on pas les qualifier elles-aussi de pulsions de mort ? Le cycle qu'elles rendent possible n'est-il pas lui aussi une boucle vers la mort, la seule différence étant la plus grande longueur du parcours ? Entre les deux types de pulsions, il n'y aurait pas opposition mais plutôt décalage, différence de rythme. C'est ce que dit Freud : "Il y a une sorte de rythme-hésitation dans la vie de l'organisme; un groupe de pulsions s'élance vers l'avant afin d'atteindre le plus tôt possible le but final de la vie, l'autre, à un moment donné de ce parcours, se hâte vers l'arrière pour recommencer ce même parcours, en partant d'un certain point, et en allonger ainsi la durée."

p.95 Le caractère polémique de ce chapitre apparaît ici plus clairement. Contre Jung, Freud a besoin d'établir qu'il n'existe pas de pulsion tendant vers un état qui n'a pas encore été atteint. Si donc il y a dépassement de la forme actuelle et production d'une forme nouvelle, cela ne résulte pas de l'action d'une pulsion visant à un tel dépassement, mais au contraire d'un débordement de cette pulsion par une influence extérieure plus puissante, donc d'une rupture dans l'accomplissement du programme propre à telle forme de vie.

Reste une question fondamentale liée au concept même d'organisme ou plus généralement de système ou de structure. Qu'est-ce qui assure la non-dissolution d'une structure, d'un système, d'un organisme ? Cette pérennité des formes est un fait : elles se maintiennent dans l'individu qui la représente et se reproduisent d'individu en individu. Il faut bien que quelque chose garantisse cette pérennité. Pour Freud, c'est le rôle purement conservateur et défensif des pulsions, qui, loin de pousser en avant, on plutôt pour effet de tirer en arrière.

C'est assez logique si l'on refuse tout finalisme. La nature ne planifie pas. La complexité n'est pas un but, mais juste le produit cumulatif de très longues interactions.

Cette règle étant établie reste la question de savoir pourquoi la complexité plutôt que le désordre, pourquoi la structure plutôt que l'informe ? La réponse de Freud est assez simple : tout ce qui tient un temps tend à se reproduire, tout ce qui a lieu tend à se répéter. La compulsion de répétition, qui est déjà un facteur d'ordre, est donc la norme fondamentale de toute ce qui n'est pas immobile. Elle gouverne tout ce qui se meut à l'exception de la conscience. Je ne sais pas si cela est bien perceptible, mais le saut se trouve entre l'ensemble des processus biologiques jusqu'aux processus psychiques primaires d'un côté, et les processus secondaires propres à la conscience de l'autre. La Spaltung, la cassure est bien là et elle traverse le moi, lequel est tout en même temps agi par la compulsion de répétition et le retour du même et agissant suivant des objectifs, capable d'envisager des formes nouvelles en tant que conscience. Cette Spaltung, nous dit Freud, traverse le rêve et devient par lui manifeste.

Tout ce chapitre est une réfutation du vitalisme de Jung et, plus généralement, de l'idée d'un progrès inéluctable. La réfutation ne manque pas de courage, car elle semble démentir l'évidence des faits. Le postulat du progrès résulte d'une fausse lecture de l'évolution.

 

 

 

 





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