Je me propose ici un petit exercice de traduction des vingt pages du chapitre trois du livre Relationality (2000), de Stephen A. Mitchell (1946-2000). Pour que les articles ne soient pas trop lourds, je me limiterai à une page par jour (sans couper au coeur d'un paragraphe, cela va de soi). 
Plusieurs mises en garde :
1- Je reste très littérale, de peur de trahir le texte par des ajouts impertinents -d'autant que je découvre l'auteur.
2- J'ai traduit mind par esprit, sans être certaine que c'est ce qui convient.
3- Lorsqu'il m'a fallu choisir entre plusieurs solutions de traduction témoignant d'interprétations sensiblement différentes, j'ai laissé entre parenthèses le mot ou l'expression original(e).
4- Toute correction de mes balbutiements est naturellement la bienvenue.

Relationality - From Attachment to Intersubjectivity
(The Analytic Press, 2000)

Chapitre 3 : Une hiérarchie interactionelle

p 57

Les aspects fondamentaux de la vision de l'esprit loewaldienne sont communément repris, généralement explicitement, parfois implicitement, par les autres théories relationnelles : les esprits humains sont des phénomènes interactifs ; un esprit humain individuel est un oxymore ; la subjectivité naît toujours en contexte d'intersubjectivité ; nous traitons et organisons continuellement notre prodigieuse complexité et celle de notre monde, dans des motifs réccurents.
Admettre qu'un "esprit individuel" est [une expression] oxymorique, c'est admettre qu'aucun esprit  humain individuel ne peut surgir sui generis et se soutenir [dans l'être] par soi-même, pleinement indépendant des autres esprits. Cela ne contredit pas le fait que les esprits individuels surgissent hors de et à travers l'intériorisation de domaines interpersonnels, et qu'étant apparus de la sorte, ils présentent ce que les théoriciens des systèmes appellent "propriétés émergentes" et "motifs égoïstes" (motives of their own). Ainsi dans un article précédent (1988), distinguai-je entre processus régulés par le champ extérieur (field-regulatory), et processus autorégulateurs. Nous pourrions dire qu'au départ, il y a la matrice relationnelle, sociale, linguistique, dans laquelle nous nous découvrons nous-même ou, comme le posa Heidegger, dans laquelle nous sommes "jetés". Au sein de cette matrice sont conçus, précipités en dehors, les psychismes (psyches) individuels avec des espaces intérieurs subjectivement appréhendés. Ces espaces subjectifs commencent comme microcosmes du domaine relationnel, dans lesquels les relations interpersonnelles macrocosmiques sont intériorisées et transformées en expérience clairement particulière ; et ces expériences particulières sont, tour à tour, régulées et transformées, générant de nouvelles propriétés émergentes, qui à leur tour créent de nouvelles formes interpersonnelles, lesquelles affectent les motifs macrocosmiques de l'interaction. Les processus relationnels interpersonnels génèrent des processus relationnels intrapsychiques, qui remodèlent les processus interpersonnels remodelant les processus intrapsychiques, sans cesse, en un infini ruban de Möbius dans lequel intérieur et extérieur se régénèrent perpétuellement, et se transforment eux-mêmes et l'un l'autre.

monochrome.dream

Par que-vent-emporte le Lundi 21 juin 2010 à 13:04
La thèse selon laquelle la subjectivité naît toujours dans l'intersubjectivité n'est pas nouvelle. Elle est présente de manière explicite chez Freud (Pour introduire le narcissisme notamment), chez Lacan bien sûr, et elle a été largement développée par l'école anglaise, dans l'étude des premières interactions du nourrisson avec sa mère et son environnement, (Melanie Klein, D.W. Winnicott). Il est donc clair que la construction du moi n'est pas un simple processus de maturation, mais bien le résultat d'un ensemble complexe d'interactions.
Le terme de "matrice relationnelle" est à prendre au sens premier du terme, comme l'espace contenant d'une véritable gestation psychique.
Dans ce processus intersubjectif se pose d'emblée la question de la (con)fusion et de la distinction du moi et de l'autre, ou, métaphoriquement, des relations du monde interne et du monde externe. L'allusion à la topologie (ruban de Moebius) est donc tout à fait pertinente.
 

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