Avertissement aux amateurs de copier-coller et aux gardiens de l'orthodoxie
Ce texte est un document de travail, pas un exposé magistral. Son contenu ne saurait faire autorité.
 

CINQUIEME MEDITATION

 
Petite remarque préliminaire.
Dans ce résumé, il m'arrive très souvent de dire «nous », ce qui, du strict point de vue de Husserl, serait une faute, puisqu'au départ de cette 5e Méditation le « nous » n'est pas encore accessible. Il faut donc en conclure que mon point de vue, ici, n'est pas tout à fait le sien. A l'examen, tu tâcheras d'éviter de tomber dans ce petit piège.


§ 42

Rappelons l'acquis de la Quatrième Méditation : l'ego transcendantal est capable de constituer un monde objectif.
Mais, en restant strictement, comme le prétend la phénoménologie transcendantale, dans le cadre de l'ego transcendantalement réduit, n'est-on pas contraint au solipsisme ?
Comment, dans ce cas, rendre compte du fait (« évidence » naturelle) qu'il existe des autres ?

§ 43

Dans ce paragraphe, Husserl anticipe la démonstration qu'il fera par la suite. On peut donc ne pas s'y attarder.

§ 44

L'autre – c'est-à-dire l'autre comme sujet (Husserl n'utilise pas ce mot) - on en a déjà une idée assez précise, mais seulement dans le cadre de la connaissance naturelle, dont nous avons récusé méthodologiquement les données. La question est donc de savoir si la phénoménologie transcendantale est en état de fonder une théorie certaine du sujet. En d'autres termes, s'il est possible de constituer l'autre en tant que sujet, à partir du déploiement de l'ego transcendantal.

Pour cela, il faut d'abord abolir toute connaissance naturelle d'autrui.
Une nouvelle épochè sera nécessaire pour cela, à l'intérieur de la monade (l'ego comprenant tous ses vécus de conscience).

Cette épochè consiste en la mise entre parenthèses de tout ce qui réfère à la subjectivité étrangère. Entendons-nous bien : il ne s'agit pas de faire comme si les autres n'existaient pas ; on va seulement éliminer du champ de la réflexion tout ce qui peut nous induire à penser que les autres sont des sujets.

1. Je circonscris ce qui m'est spécifique, le non-étranger, pour me tenir désormais strictement à l'intérieur de ce domaine. Cela revient :
    a) à faire abstraction de tout ce qui nous fait penser que les autres sont des sujets.
    b) à faire abstraction de tout ce qui dans le monde peut apparaître comme le produit d'un sujet autre     que mon ego transcendantal.
Remarque : Que penser alors du langage ? Normalement, il devrait être mis entre parenthèses…

Au terme de cette opération, il ne me reste qu'un certain niveau de réalité (l'expression n'est pas de H.) dans laquelle mon ego se donne comme la seule instance subjective.

Pourquoi fait-on cela ?
Il s'agit de fonder la constitution d'autrui, que nous allons entreprendre, sur une base nettoyée de tout vestige de subjectivité étrangère naturelle.

2. Parmi les corps que je rencontre dans cette sphère du non-étranger, il y en a un qui présente une caractéristique tout à fait spécifique : mon corps propre.
Il se présente à moi :
    a) comme un objet du monde ;
    b) comme substrat de mon je personnel, comme pôle égoïque (l'ici de tous mes vécus de                         conscience).
En effectuant la mise entre parenthèse (scotomisation) de l'étranger, je n'ai pas affecté ma propre expérience du monde et donc la possibilité d'y trouver des autres (pour l'instants réduits à l'état de simples objets).

§ 45

Cette réduction du phénomène du monde à ma spécificité étant accomplie, en tant qu'ego transcendantal,  je constate que l'expérience de l'autre, je la fais à l'intérieur même de ce monde réduit. C'est du dedans ce cette sphère que j'accède au phénomène étranger.
Mais il ne suffit pas de le dire, il faut le démontrer.

§ 46

Pour cela, il faut changer de perspective. Jusqu'ici, nous avons défini de manière négative ce concept de ce qui m'est spécifique. Maintenant, nous allons passer à une définition positive.
C'est en effet dans le mouvement de l'élaboration progressive de ce concept que se révélera, à l'intérieur de ma propre monade, la place de l'autre en tant qu'autre.

Dans la réduction transcendantale, la réflexion sur moi, ego transcendantal, me conduit :
a) à ce qui m'est donné, à ce que je perçois maintenant de cet ego-ci ;
b) au constat que, sans saisie, sans perception, je suis toujours déjà prédonné  à moi-même.

En tant qu'ego prédonné, je suis un horizon ouvert et sans fin de propriétés non découvertes.

a) L'analyse me révèle en premier lieu ma temporalité. En particulier la distinction entre le présent vivant, que me livre la perception, d'une part, et, de l'autre, le passé concevable grâce aux ressouvenirs, et l'avenir, sur le mode de l'anticipation.

b) Remontons maintenant à l'expérience originaire de soi, à l'évidence apodictique de la perception transcendantale de soi, à cet eidos-ego défini dans la 4e Méditation. De cet a priori apodictique universel participe chaque explicitation de données égologiques singulières. Il en découle une loi formelle elle-même apodictique : autant d'apparence, autant d'être. Il n'est d'être que ce ce qui apparaît, ce qui n'exclut pas que l'être soit falsifié ou masqué par l'apparence).

§ 47

Il résulte de ce dernier point que la perception constituante et l'étant perçu appartiennent à ma propre spécificité concrète.
A ma spécificité concrète appartiennent également des objets transcendants.
La réduction à laquelle nous avons procédé, par exclusion des composants du sens étranger n'empêche pas l'ego d'accéder à la totalité du monde (ce n'est que le sens « en fonction de l'autre » qui est exclu).
Donc, à l'intérieur de la sphère de l'explicitation originale de soi (ma monade) j'accède à une première distinction fondamentale : moi et non-moi.

§ 48

Je puis donc être conscient de quelque chose que je ne suis pas, de quelque chose qui m'est étranger.
Tous les modes de conscience qui me sont propres n'appartiennent pas au cercle des modes de ma conscience de moi-même.
Cela ne va pas de soi. Il nous faut comprendre comment l'ego peut avoir en lui des intentionnalités dotés d'un sens d'être qui transcende absolument son propre être.

Anticipant sur les résultats de cette analyse, Husserl distingue deux transcendances :
a) la transcendance primordiale - le monde - celle qui nous est apparue au § 47, moment de détermination de mon être concret en tant qu'ego.
b) la transcendance objective, de niveau supérieur, qui constitue l'essence de la transcendance primordiale. Sur quels modes le monde m'apparaît-il comme expérience ?

§ 49

Le passage de la transcendance primordiale à la transcendance objective se fera à travers la constitution de l'autre, des autres.
En effet, la constitution de l'autre va donner à mon monde primordial le sens d'un monde objectif, c'est-à-dire comme étant le même pour moi et les autres. Le monde objectif est donc le monde primordial doté d'un sens, le monde humain.

Partant des autres purs (que nous livre l'analyse transcendantale de l'ego dans ma sphère propre), nous aboutirons à la constitution d'une communauté de monades définissant un seul et même monde.
Le monde objectif est le produit de l'intersubjectivité transcendantale (intentionnalité constituante communautaire). La constitution du monde objectif implique donc une harmonie des monades et donc une constitution harmonique dans les monades singulières.
Il ne faut surtout pas y voir une structure sous-jacente d'ordre métaphysique (harmonie préétablie). Les monades ne sont pas des hypothèses métaphysiques.

§ 50

Dans ma sphère primordiale, l'autre m'apparaît sous la forme d'un corps (en chair et en os). Mais ce qui appartient à son essence propre ne m'est pas livré comme donnée originaire dans ma sphère primordiale.
Pourtant, il se passe quelque chose. D'emblée, ce corps est plus qu'un simple objet. Quelque chose de plus est rendu présent (apprésentation).
Il en va de même dans une moindre mesure dans toute expérience externe : ce qui se montre de l'objet présuppose une part non montrée de ce dernier. Mais, dans ce cas, il s'agit de la part non encore montrée, dont je peux faire l'expérience sur le même mode que la part montrée.
Dans le cas de l'autre, c'est différent. Comment le sens « autre » peut-il m'être donné ?

Examinons l'expression alter ego. Ce qui est autre (alter), c'est l'ego, c'est-à-dire celui que je suis moi-même. C'est bien par là que nous allons passer.

Revenons à l'apparition de l'autre en chair et en os.
Le corps de l'autre, en tant que corps, n'est qu'un simple élément de détermination de moi-même , sous la forme de la transcendance immanente, en tant que vécu de conscience.
Remarquons en outre que la perception de ce corps comme alter ego est immédiate. Elle relève de la synthèse passive, elle n'est pas le produit d'un raisonnement.
Il s'établit donc un lien immédiat que Husserl appelle un transfert aperceptif issu de mon propre corps. On obtient une saisie analogisante du corps là-bas comme corps propre.

Cela peut s'expliquer à un niveau de généralité plus grand par l'analyse de l'aperception.
Toute expérience d'un objet (fût-il inconnu) renvoie à une expérience originaire, fondatrice, par laquelle nous avons acquis  le sens de l'objet (archi-fondation). C'est ce qui fait que je reconnais cette table comme étant une table, et cet objet inconnu comme étant (par exemple) « une sorte de table ».

« Toute expérience quotidienne recèle un transfert analogisant du sens objectif, originairement fondé, sur le cas nouveau, dans son appréhension anticipatrice de l'objet comme objet de sens semblable. »

§ 51

Dans cette expérience de la saisie du corps de l'autre comme corps propre, l'original archi-fondateur est toujours à l'œuvre de manière vivante. Mais je ne peux pas faire l'expérience effective  de l'autre comme corps propre. Cette expérience n'appartient pas à ma sphère primordiale. Sinon, l'autre serait moi, directement.

Pour que j'y accède, il faut un appariement : l'ego + l'alter ego.

Appariement en configuration de couple, d'abord, puis de groupe, de pluralité.
L'appariement est un phénomène universel de la sphère transcendantale.
Outre l'identification, la synthèse passive présente une seconde forme fondamentale : l'association.
L'appariement est une association liant deux data distincts formant une unité de ressemblance.

Dans la perception de l'alter ego par l'ego, l'appariement a lieu quand l'autre entre dans le champ de ma perception. Le corps de l'autre, dont je reconnais qu'il ressemble au mien, entre avec le mien dans un appariement phénoménal, il reçoit le sens de corps propre par glissement de sens issu du mien.

§ 52

Comment se fait-il que ce sens transféré me donne les déterminations psychiques (la part inaccessible) du corps que j'ai devant moi ?

Le corps étranger et le je étranger, en effet, sont donnés dans une expérience transcendantale unitaire.

Cette expérience a lieu dans la durée, comme une succession d'apprésentations se déroulant de manière synthétique et concordante.

Le corps étranger s'annonce comme corps propre dans son comportement changeant, mais concordant. Si le comportement devient discordant, le corps propre est éprouvé en tant qu'apparence de corps propre.

L'étranger est forcément pensé comme l'analogon de ce qui m'est spécifique.
L'autre m'apparaît dans mon monde primordial en tant que modification intentionnelle de mon je.
Et avec le je proprement dit est apprésenté tout ce qui appartient à la concrétion de ce je, à savoir son propre monde primordial.
C'est ainsi qu'une autre monade se constitue apprésentivement dans la mienne.

Il se passe quelque chose d'analogue dans le fait qu'à l'intérieur de la sphère de mon présent vivant, mon passé ne m'est donné que par souvenir, en tant que présent révolu.
Mon passé remémoré transcende mon présent vivant. De la même manière, l'être étranger apprésenté transcende l'être propre.

§ 53

Approfondissement de l'explicitation des connexions noématiques de l'expérience de ce qui est étranger, et première étape de la constitution d'un monde objectif.

Mon corps propre m'apparaît sur le mode de l'ici ; celui de l'autre sur le mode du là-bas.
En changeant de position, je puis faire qu'un là-bas quelconque devienne mon ici.
En me déplaçant, je peux donc procéder à des changements de perspective. De l'ensemble de toutes ces perspectives possibles découle la constitution d'une nature spatiale unique pour moi.

A chaque changement de position correspond un système d'apparences.
Dès lors, l'autre là-bas n'est pas une réplique de moi-même dotée d'une sphère primordiale identique à la mienne. Je l'aperçois avec les modes d'apparition spatiaux que j'aurais moi-même si j'allais là-bas, où il se trouve.

§ 54

Le corps de l'autre tel que je le perçois dans ma sphère primordiale m'apparaît sur le mode du là-bas. Il ne m'apparaît pas, comme c'est le cas pour moi, en tant que corps propre ici, mais rappelle mon aspect corporel lorsque j'étais là-bas, dans l'expérience du ressouvenir (§ 52).

L'appariement s'accomplit entre mon corps (physique) en tant que synthèse de tous les là-bas possibles et le corps physique extérieur perçu comme corps propre d'un autre monde par analogie avec mon monde primordial.
Mais cet autre monde primordial, en quoi est-il identique ou différent du mien ?

Nous avons un rapport a/b = c/d

1. corps propre (de je) / 2. mon monde primordial   =  3. corps de l'autre reconnu comme corps propre
  / 4. son monde primordial

Il faut noter que les trois premiers termes appartiennent à ma sphère primordiale, mais pas le 4e, dont je ne peux pas avoir une expérience immédiate.
Mais  a) l'autre m'apparaît bien comme l'ego d'un monde primordial, et b) la constitution d'un monde objectif commun, unique, permettrait de surmonter cet obstacle de la non-perception immédiate du monde primordial de l'autre.
Mais nous n'en sommes pas encore là.

En conclusion, résumons-nous :
La compréhension de la corporéité de l'autre, de son comportement strictement corporel, est le premier contenu.
Dans ce corps, à l'origine de ce comportement que j'observe, il y a un je.
Par l'empathie, je parviens à comprendre quelque chose de la sphère psychique de ce je.

§ 55

L'objet de ce long paragraphe est de définir la communauté qui s'instaure entre je et l'autre, la communauté entre mon ego monadique et le sien, première étape de la constitution d'un monde objectif (commun).

Le premier élément constitutif de cette communauté est justement le corps de l'autre, point de convergence ou domaine de recouvrement du je psychophysique étranger et du je psychophysique propre.

Ce corps est avec certitude commun aux deux sphères primordiales, la mienne, sur le mode du là-bas, la sienne (inaccessible) sur le mode de l'ici.
Encore une affirmation qu'il va falloir démontrer.

Notons que le problème lui-même ne peut être posé qu'à partir du moment où la sphère primordiale de l'autre a été reconnue, et reconnue comme rigoureusement distincte de la mienne propre.

Notons au passage que dans ce § (p. 171), Husserl élabore, sans le savoir et donc sans le dire, le concept de signifiant.
L'apprésentation, dit-il (nous ajoutons : d'un sens) est une présentification liée par association à la perception authentique (nous dirons : d'un signifiant), mais elle est confondue avec cette perception.
La perception nous livre un signifiant auquel un sens est associé.

Selon Husserl, toute perception de ce type est transcendante : elle pose plus que ce qu'elle rend effectivement présent.

Ce corps (de l'autre) qui appartient à ma sphère primordiale est nécessairement perçu comme support d'un autre ego.
Le corps là-bas de l'autre est forcément le corps propre ici de cet autre.
Ce corps là-bas apprésente le règne de l'autre ego sur ce corps et donc la nature qui lui apparaît sur le mode de l'ici, comme elle m'apparaîtrait si j'étais là-bas, à sa place.

Donc, le corps de l'autre, pour moi, est bien identique au corps propre de l'autre (pour lui).
Je peux en déduire que la nature que je perçois est bien la même (par substitution de points de vue) que la sienne.

Ma sphère primordiale et la sienne restent radicalement distinctes, mais leurs intentionnalités respectives visent les mêmes horizons.

Revenons à la démarche telle qu'elle se déroule, et d'abord telle qu'elle ne se déroule pas.

Je ne me retrouve pas avec une seconde sphère originelle, une seuxième nature, un deuxième corps personnel (celui de l'autre) dans cette nature, de telle sorte qu'ensuite je me demande comment rassembler l'une et l'autre comme des modes d'apparition d'une seule et même nature objective.
Dans l'apprésentation, l'identité est déjà réalisée.

On peut nommer la perception du monde objectif une perception telle que l'autre regarde dans la direction de la même chose que moi, bien que cela se passe dans ma sphère propre.

On parlera d'une nature constituée en moi comme constituée par un autre.

Le phénomène d'expérience « nature objective » présente deux « couches » noématiques :
- ce que cette nature est pour moi (tout autre étant mis entre parenthèses) ;
- ce qui est apprésenté (qui dote la première d'un sens nouveau) à partir de l'expérience de ce qui est étranger.

Le même objet de la nature « s'enrichit » des modes de donation possibles de l'autre.
Ainsi se constitue, à un niveau supérieur, le monde des hommes et de la culture.

Le problème de la structure du sens
Par ailleurs, les systèmes d'apparition de autres (noèses) sont nécessairement apprésentés comme étant les mêmes que les miens, à quelques différences (anormalités) près (cécité, surdité, etc.)

En tout état de cause, l'anormalité elle-même ne se constitue que sur le fond d'une normalité préalable.
Relève également du problème de l'anormalité celui de l'animalité. Les animaux sont essentiellement constitués pour moi comme des variantes anormales de mon humanité.

Cette identification synthétique des objets du monde décrite ci-dessus est du même ordre que, dans ma sphère propre, la constitution de l'unité d'un objet par le biais de présentifications.

Deux exemples
1. Comment un vécu personnel acquiert-il pour moi le sens de la validité d'un vécu existant dans sa figure et son contenu temporels ? La première expérience de l'objet est révolue, mais je puis y retourner par des présentifications répétées. Une synthèse d'identification lie ces présentifications dans la conscience évidente du même.
Le même : objet intentionnel identique immanent à des vécus distincts, en tant qu'irréel.
Peu importe que ces vécus distincts soient les vécus du je ou, à une autre échelle ceux du nous.

2. Constitution d'objets idéaux, par exemple un théorème mathématique, « disponible » pour d'indéfinies répétitions que chacun peut faire à discrétion. La supra-temporalité de ces objets idéaux est en fait une omni-temporalité.

On distinguera l'objectivation omni-temporelle des objets idéaux et l'individualisation des réalités objectives (matérielles) par l'espace et le temps.

Conclusion :
L'expérience de ce qui est étranger opère une liaison, réalisée par une présentification entre l'expérience de soi et la sphère étrangère présentifiée en lui.
Sont établies :
- la coexistence de mon je et du je étranger :
- la coexistence de ma vie intentionnelle et de la sienne ;
- la coexistence de mes réalités et des siennes.

Les monades sont constitutivement liées entre elles. Elles forment une communauté indissoluble qui dépend de la constitution d'un monde et d'un temps du monde.

§ 56

Les autres se constituent donc en moi comme des étrangers : on ne peut concevoir pour eux d'autre manière d'avoir sens et validité pour moi.
Ce sont des monades qui sont pour elles-mêmes exactement comme je suis moi pour moi-même.
Mais elles sont aussi en communauté.

Les relations entre les monades
- Mon existence psychophysique est séparée de celle des autres. Cette séparation se présente comme spatiale en raison de la spatialité des corps objectifs.
- Chaque monade forme une unité close. Mais l'irruption réelle et intentionnelle des autres au sein de ma primordialité n'est ni un rêve ni un fantasme. C'est une liaison par principe (essentielle) qui rend transcendantalement possible l'être d'un monde d'hommes et de choses.

Les degrés supérieurs de communauté intermonadique
L'autre m'apparaît d'abord dans le cadre de (donc subordonné à) mon existence, qui représente l'élément constitutif central.

Mais dès lors que je reconnais l'autre comme un sujet psychophysique, j'admets qu'il représente lui aussi une centralité. La relation est nécessairement réciproque.

Le sens d'une communauté humaine et celui de l'individu comme membre d'une communauté impliquent / présupposent cette réciprocité.

Les hommes ne sont hommes qu'en tant que sujets d'une possible communauté réciproque.

Cette communauté monadique ouverte est appelée intersubjectivité transcendantale.
Cette intersubjectivité est constituée en moi et exclusivement en moi, à partir de mon intentionnalité.
Mais la même intersubjectivité est constituée chez les autres, au mode d'apparition subjectif près. Et elle comprte le même monde objectif.

Donc, il appartient à l'essence du monde transcendantal constitué en moi d'être un monde humain.

La constitution psychique du monde objectif se comprend comme mon expérience du je qui fait l'expérience de lui-même comme être humain.

§ 57

L'âme est une auto-objectivation de la monade qui s'accomplit dans la monade elle-même.

La théorie psychologique du psychisme profond est la réalisation sur le terrain naturel – après abandon de l'attitude transcendantale – de la théorie transcendantale et phénoménologique.

§ 58

La constitution de l'humanité
Certains actes du je personnel, de moi à toi, ont le caractère d'actes sociaux qui permettent l'établissement d'une communication humaine personnelle.

Avec la communautarisation sociale, qui est la communautarisation véritable, se constituent différents types de communautés sociales. Il s'agit d'objectivités spirituelles, de personnalités d'ordre supérieur.

Chaque homme, chaque communauté humaine se constitue un monde ambiant spécifiquement humain (culturel) qui présente un mode d'objectivité spécifique et limité.

Ici, il faut distinguer la nature dont l'accès est inconditionné (tout le monde vit a priori dans la même nature) et le monde culturel, doté de significations humaines.

Chaque homme a pour environnement humain concret la culture de sa propre communauté.

La compréhension du présent est déterminée par celle du passé. Tout membre d'une communauté se voit ouvrir cet horizon du passé qui reste fermé à celui qui entre en relation avec cette communauté à partir d'une autre.

La constitution d'un monde est toujours une constitution orientée. Le terme est peu parlant. Ce dont il s'agit, c'est qu'un monde est toujours construit à partir d'autre chose.
On dira qu'elle part d'un constitué primordial et aboutit à un constitué secondaire. Ce dernier n'est que le constitué primordial doté d'une nouvelle couche de sens (il y a conservation du primordial dans le secondaire).
Quelques exemples :
a) Le système de la temporalité (c.s.) devient accessible à partir du présent vivant (c.p.) ;
b) La nature (spatiale) se constitue à partir du corps propre ;
c) Le monde objectif de l'extériorité se constitue à partir du corps propre psychophysique ;
d) La multiplicité du monde étranger nous est donnée (est orientée) en fonction de mon propore monde.

Le monde en tant que monde des cultures a pour soubassement (c.p.) la nature universelle et sa forme d'accès spatio-temporelle, laquelle s'est constituée à partir de mon corps propre.

Le monde de la culture est donc donné comme orienté dans une relation à un point zéro, une personnalité (moi dans ma culture).
Moi et ma culture : terme primordial face à toute culture étrangère. Cette dernière ne me devient accessible qu'à travers une sorte d'empathie.


L'être humain est lié à un monde pratique (pré-) existant, déjà doté de prédicats dont la signification est de provenance humaine. A ma naissance, je suis tombé dans un bain de langage et de significations déjà constituées. La communauté des hommes est antérieure à l'existence du sujet individuel.

Cela nous amène à la question de la modification constante du monde vécu humain et à celle de la genèse (origine et développement) de la personnalité.

Dans le processus systématique d'explication transcendantale et phénoménologique de l'ego apodictique, le sens transcendantal du monde doit finalement se découvrir à nous jusque dans son intégrale concrétion (dans ses aspects les plus concrets), en tant qu'il est notre monde vécu permanent à nous tous.

§  59

Critique de Heidegger. En réalité, Heidegger n'est jamais nommé. Pourtant, l'orientation du paragraphe est claire. Sein und Zeit était déjà paru au moment de la rédaction des Méditations Cartésiennes.
En gros, Husserl reproche à son « disciple » son manque de rigueur phénoménologique. Sein und Zeit ne se situe pas dans le programme « a priorique » exquissé par Husserl. (L'expression « a priori » apparaît au moins treize fois dans ce paragraphe !)
Heidegger s'est affranchi de la subjectivité transcendantale et a conduit son analytique du Dasein et son ontologie sur le terrain du monde naturel. La base cognitive naturelle a pris la place de la base transcendantale.
C'est intéressant, mais il ne sagit pas de philosophie au sens où l'entend Husserl.

§ 60

On peut parler ici de métaphysique, à condition que ce terme désigne bien les ultimes connaissances sur ce qui est. La métaphysique contemporaine n'a plus rien de commun avec cela.

Résultats métaphysiques :
- Mon ego qui m'est à moi-même donnné apodictiquement ne peut être a priori qu'un ego qui fait l'expérience du monde, pour autant qu'il est en communauté avec d'autres ego, ses semblables. Il est membre d'une communauté monadique donnée et orientée en fonction de lui.

- Aucune pluralité monadique n'est pensable autrement que comme une pluralité communautaire.

- Le monde objectif se constitue, se spatialise, se temporalise, se réalise soi-même au sein d'une pluralité de monades.

- La coexistence (simultanéité) des monades renvoie par essence à une temporalité ontique.

- La coexistence de deux mondes infiniment séparés est un non-sens. Il ne peut y avoir qu'une seule communauté monadique (de toutes les monades coexistentes), donc un seul monde objectif, un seul temps objectif, un espace objectif, une nature.

La phénoménologie transcendantale permet donc de donner un sens à des problèmes que la tradition situait au-delà des frontières de toute science.

§ 61

La question de la genèse du psychisme, la question de la psychologie.
Comment l'enfant se construit-il sa propre représentation du monde ?

Les problèmes de genèse,  mais aussi ceux de la naissance et de la mort relèvent d'une dimension supérieure et présupposent un travail interprétatif trop énorme pour être abordés ici.

On peut cependant faire la critique de la psychologie moderne. Celle-ci ne comprend pas la spécificité de l'analyse intentionnelle quand elle tente d'élucider l'origine psychologique des représentations de l'espace, du temps et de la chose.
Il s'agit exclusivement là de problèmes de constitution intentionnelle pour des phénomènes qui nous sont déjà prédonnés comme fils conducteurs, et qui ne doivent être interrogés qu'à l'aide d'une méthode intentionnelle ausein des réseaux universels de la constitution psychique.

Husserl en appelle à la constitution d'une psychologie intentionnelle a priori et pure (affranchie de toute ce qui est psychophysique).

§ 62

Avons-nous atteint l'objectif fixé au début de cette 5e Méditation ? Avons-nous dépassé le solipsisme transcendantal ?

Nous avons surtout compris que l'objection du solipsisme est inconsistante.

- L'autre a été trouvé sans que jamais ne soit abandonnée l'attitude transcendantale,

-  parce que l'alter ego est établi au sein de l'intentionnalité expérimentatrice de mon ego.

Dans mon expérience propre, je fais l'expérience de l'autre. L'ego trouve toute transcendance par auto-élucidation. Je l'acquiers en élucidant ce que je trouve en moi en tant que transcendance transcendantalement constituée.

Au départ, il est vrai, je ne comprends pas comment je parviendrais aux autres et à moi-même (concret) après avoir mis les autres hommes entre parenthèses.
Mais si je me mets entre parenthèses moi-même (en tant qu'homme concret), je me reconnais comme ego.
A ce stade, comme ego, je suis tenté de me prendre pour un solus ipse. Mais le solipsisme n'est qu'une apparence. C'est ce qui a été démontré dans les développements qui précèdent.

L'idéalisme phénoménologique et transcendantal (tout ce qui est pour moi ne peut tirer son sens d'être que de moi) s'est révélé être une monadologie, qui n'a rien d'une spéculation métaphysique.

Conclusion :
Le monde a un sens.
Il n'a ce sens qu'à partir de notre expérience.
Mais ce sens, il l'a pour nous avant la moindre réflexion philosophique.
Il nous appartient de le dévoiler philosophiquement.

F I N

CAFE-BABEL

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