NOTES SANS GARANTIE D'INTERPRETATION JUSTE

Section 7 : L'idée des personnes libres et égales, p39

1. La justice comme équité présuppose que les personnes coopérantes soient :
(i) dotées d'un sens de la justice
(ii) capables "d'avoir, de réviser et de chercher à réaliser rationnellement une conception du bien". Le bien étant, pour Rawls, "une famille ordonnée de fins ultimes et d'objectifs qui définissent la conception qu'une personne a de ce qui fait la valeur de la vie humaine, ou de ce qui est considéré comme une vie totalement digne d'être vécue". Un bien relatif, donc. Qui dépend toujours d'une doctrine (religieuse, philosophique ou morale).

2.Les personnes fortes de cette "personnalité morale" (Théorie de la Justice, § 3-4) se plient alors aux termes équitables à la fois parce qu'ils leurs sont bénéfiques et parce qu'ils sont justes ("sur la base de leur valeur intrinsèque", p40).
Mais qu'est-ce à dire alors que les personnes sont libres et égales ?
On a affaire ici à deux conceptions de la "personne". Chacune d'entre elle devra être pensée de façon strictement politique à l'image de ce que l'idée même de "personne" invite à faire, et en laissant de côté les doctrines psychologisantes ou philosophiques du moi, qui en font un objet inadéquat au domaine de la justice domestique. Bien plutôt, égalité et liberté seront ici pensées à partir des textes politiques fondamentaux et de la tradition de leurs interprétations (chez les politiciens comme chez les spécialistes du droit constitutionnel et de jurisprudence).

3. Premier point, l'égalité. Si les citoyens sont égaux, c'est parce qu'ils possèdent tous, "au degré minimum essentiel", ces deux termes de la personnalité morale que nous avons évoqués plus haut. Je trouve que c'est une drôle de façon de parler d'égalité, qui justifie bien des discriminations, mais passons, je me trompe peut-être.
L'auteur introduit ici une distinction importante pour la suite, entre la société démocratique et les communautés qui la composent forcément. Dans la société démocratique, seule la valeur de la justice (et l'objectif commun du maintien d'une certaine concorde) peuvent prétendre regrouper les individus. Au contraire, une communauté, qu'elle soit Eglise, université ou société scientifique, regroupe des gens par affinités de fins et de valeurs diverses. Selon l'excellence des membres, elles permettent aussi des traitements "spéciaux". Et évidemment, il est possible de les quitter volontairement à tout moment, contrairement à la société...
(alinéa 2, p42, à repérer)

4.Second point, la liberté. On la définit indépendamment des conceptions philosophiques classiques de la liberté comme liberté de la volonté. La question traitée : qu'est-ce que les textes politiques fondateurs impliquent quant à la liberté ? Comment la concevoir ?
-D'abord, elle concerne la conception du bien qu'ont les citoyens. Aucun droit ou devoir fondamental ne peut être lié à cette conception du bien. Les citoyens peuvent se détacher de convictions qui furent les leurs, ils peuvent évoluer et passer d'une communauté à l'autre, sans que cela n'annule ni ne porte atteinte à leur identité et leur statut de citoyen. L'identité d'une personne peut en fait être spécifiée en identité morale et identité publique, politique. Et ce n'est pas parce qu'un changement profond affecte quelqu'un qu'il doit voir son identité publique (ou légale) remise en cause.
Cette réflexion sur la liberté amène l'idée que "dans une société bien ordonnée (...), les valeurs et les engagements politiques (plus généraux) des citoyens, qui sont une partie de leur identité non institutionnelle, ou morale, sont à peu près les mêmes". Autrement dit, si toute société démocratique présuppose la vision de la liberté que nous venons de définir, alors elle implique nécessairement le recours à la théorie de la justice comme équité, puisque son idéal type comprend la société bien ordonnée.

5. -On peut aussi concevoir la liberté des citoyens "en ce qu'ils s'envisagent eux-mêmes comme des sources auto-validantes de revendications valides". Ces dernières sont formulées selon des conceptions du bien qui varient d'un individu à l'autre. Et c'est à partir du moment où toutes les conceptions du bien s'auto-valident que l'on peut se prétendre en démocratie.
A l'inverse, dans les régimes où certaines conceptions du bien priment sur d'autres, toute revendication valide l'est parce qu'elle est dérivée "des devoirs et obligations qui sont dûs à la société, ou des rôles sociaux imposés dans une hiérarchie sociale justifiée par des valeurs aristocratiques ou religieuses".
Je signale aussi la fin du paragraphe, qui me semble importante quoi que dévolue au rôle de nuance : pour Rawls, une société qui admet l'esclavage n'est pas une démocratie au sens de celle qu'appelle la justice comme équité. Les esclaves n'ont rien à revendiquer parce qu'ils ne sont pas considérés comme des personnes. Aucun droit, aucune devoir. Quand bien même tous les autres citoyens détenteurs du statut de "personne" seraient alors libres et égaux, il manquerait un prérequis de taille pour que cette société soit conforme à celle esquissée par la théorie de la justice comme équité : le fait qu'ils le soient "en vertu de leurs capacités morales". Car alors les esclaves jouieraient du statut de personne au même titre que n'importe quel être humain. (quoique quand Rawls évoque ça, j'ai toujours un peu peur pour les déficients mentaux...)

6."En spécifiant l'idée organisatrice centrale d'une société conçue comme un système équitable de coopération, nous utilisons l'idée complémentaire de personnes libres et égales*, définies comme celles qui peuvent jouer le rôle de membres pleinement coopérants"(p46) durant toute leur vie.
Le dernier alinéa précise enfin ce qu'est une personne. Un concept politique, qui n'a rien à voir avec celui d'être humain. Y revenir s'il est question de faire un glossaire... mais sinon, aucune importance (j'espère).

*dans ce système de "notes", voir section 2, 1., premier tiret

monochrome.dream

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