DEUXIEME PARTIE : PRINCIPES DE JUSTICE

Section 12 : Trois points essentiels, p65


1. But de cette seconde partie :
-réfléchir au contenu des principes de justice et à leur raison d'être
-répondre aux objections

Trois points, pour commencer :
-Dans la justice comme équité, les principes doivent être les meilleurs possibles pour une société démocratique.

2. -La structure de base a un effet sur les inégalités économiques et sociales, elles-mêmes causées par des facteurs aussi divers que la classe d'origine, les talents, l'accès à l'éducation, etc. Le tout est donc d'organiser cette structure de façon à ce que les citoyens soient aussi libres et égaux que possible.

3. -"La justice comme équité est une forme de libéralisme politique". Elle dérive d'un problème inhérent au principe de régime démocratique : comment des citoyens libres et égaux peuvent-ils s'accorder alors qu'il y a pluralisme raisonnable ?
Le libéralisme politique de Rawls répond à cette difficulté par la notion de justification publique. Il n'importe pas de légiférer sur tout, mais, les "questions constitutionnelles essentielles" doivent au moins être résolues via des valeurs communes, acceptables par tous. Le problème est donc ici déplacé, et peut-être, de fait, rendu soluble : il ne s'agit plus désormais que de trouver ces valeurs communes et de les décrire politiquement (pour se faire une idée des critères qui rendent politique une description, voir pp66-67)

4. "Compte tenu de ces trois points, notre question peut être formulée ainsi : dès que l'on conçoit une société comme un système de coopération entre citoyens tenus pour libres et égaux, quels sont les principes de justice les plus appropriés pour spécifier les droits et les libertés,et pour régir les inégalités économiques et sociales entre les citoyens qui concernent leurs perspectives de vie complète ?"

Section 13 : Deux principes de justice, p69

1. Suite aux critiques de H.L.A.Hart en 1973, Rawls reformule les deux principes de justice, déjà présents dans la Théorie de la Justice. Ils deviennent :
(a) "Chaque personne a une même prétention indéfectible à un système pleinement adéquat de libertés de base égales, qui sont compatibles avec le même système de libertés pour tous ;"
(b)  "Les inégalités économiques et sociales doivent remplir deux conditions : elles doivent d'abord être rattachées à des fonctions et des positions ouvertes à tous dans des conditions d'égalité équitable des chances ; ensuite, elles doivent procurer le plus grand bénéfice aux membres les plus défavorisés de la société (le principe de différence)"
Ces principes sont hiérarchisés, énoncés selon leur ordre d'importance (dans la Théorie de la Justice, Rawls appelle cela un "ordre lexical"). Ainsi, l'égalité équitable des chances ne doit pas être satisfaite au détriment du droit aux mêmes libertés;  de même, au sein du point (b), il y a un ordre d'importance entre les deux sous-principes (le principe de différence arrive en dernier).

2. Quelques mots sur la reformulation des deux principes. Celle du second étant minime, c'est par celui-ci que l'on commence.
L'ancienne formulation implique le concept d'égalité formelle des chances, tandis que la nouvelle parle d'égalité équitable des chances. La différence étant que dans le premier cas, l'accès à tous les postes est simplement ouvert à tous... tandis que dans le second cas, tous ceux qui disposent des mêmes talents innés ont la même opportunité de les développer, ainsi que leurs goût, etc. En bref, l'éducation est accessible à tous, sans condition de situation sociale. Il va sans dire que cela s'applique aussi à des domaines plus larges que celui de l'individu.
L'égalité est ici pensée en termes libéraux.

3. Au niveau du premier principe, plusieurs modifications sont survenues.
D'abord, on parle de "libertés de base égales", au pluriel, alors que la Théorie de la Justice (§11) parlait de "liberté de base". Pour Rawls, aucune liberté ne peut être dite supérieure à une autre, et le premier principe inclut justement une liste de libertés. Seul le droit à l'intégrité physique pourrait éventuellement surpasser ce système de libertés primordiales, mais la question est à peine effleurée dans le livre, sous forme d'une note de cinq lignes...

4. Remarque : on peut établir la liste des libertés fondamentales de deux façons. L'une, historique, l'autre, analytique. La démarche de la manière analytique est intéressante. Elle revient à partir du résultat que l'on souhaite atteindre par l'établissement d'une justice comme équité. On prend donc comme présupposé la société bien ordonnée, et l'on essaie de décider des libertés fondamentales en fonction des caractéristiques majeures des citoyens d'une telle société. On l'a vu plus haut, le plus important, ce sont les deux facultés morales des citoyens : leur sens de la justice et leur capacité à réviser et réaliser leur conception du bien. On comprend bien que les libertés d'un système de justice dont le résultat est une société bien ordonnée, doivent permettre à ces facultés morales de s'exercer.
C'est ainsi que Rawls peut dresser la liste suivante :
-libertés politiques égales et liberté de penser --> elles permettent l'exercice du sens de la justice
-liberté de conscience et liberté d'association --> elles sont en accord avec la seconde faculté

5. Ce paragraphe revient sur la prépondérance du premier principe par rapport au second. Que signifie-t-elle ?, et quelle est sa portée dudit principe ? On assiste ici à une véritalbe interprétation de l'auteur par lui-même.
Le plus important, à suivre Rawls, c'est que le peuple doit conserver, par dessus tout, ses libertés politiques. Et les avantages économiques ou sociaux (par exemple, ceux prônés par le principe de différence, qui est finalement une sorte de réajustement économique ou social), ne passent qu'après.
Implicitement, la constitution (écrite ou non) est alors tenue de faire respecter les libertés liées au premier principe, puisque ce sont elles les plus cruciales au regard de la souveraineté du peuple. (je ne sais pas si le mot "souveraineté" peut convenir).

6. Evidemment, les deux principes sont aussi politiques l'un que l'autre. Mais leur niveau d'abstraction est différent, et c'est le premier qui garantit vraiment la liberté politique, forgeant alors au second tout son sens. Il est plus fondamental, parce qu'il intervient avant dans le processus d'élaboration et de mise en oeuvre des principes de justice. Ce processus se déroule en quatre étapes, explique Rawls :
-l'adoption des principes par les partenaires (voile d'ignorance)
-la mise en oeuvre de la constitution : c'est ici qu'intervient le premier principe
-l'écriture des lois : le second principe concerne cette étape
-la pratique
Ainsi, le premier principe, qui porte sur les questions constitutionnelles cruciales, engendre le second, qui est sa mise en application, sa dérivation sous forme de lois, son contexte institutionnel.
En outre, parce qu'ils se situent à deux niveaux différents de l'échelle des généralités, ils ne peuvent être admis au même degré : le premier principe peut être le fruit d'un accord, mais dès que l'on passe au second, c'est un vrai tissu de questions complexes, économiques, sociales, qui prend forme. Et chacun de juger selon ses opinions et ses inférences propres.

7. Conclusion du paragraphe :
-lien entre l'idée de questions constitutionnelles essentielles à l'idée "d'opposition loyale".
-transition vers la suite du chapitre, qui traitera du principe de différence : description, difficultés "consubstantielles", etc.

monochrome.dream

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