Section 14 : Le problème de la justice distributive, p78

1. Ce chapitre fait le point sur la justice distributive. Elle est en quelque sorte le résultat du principe de différence. Elle s'exprime sous forme de règles concernant les institutions, et son but est de permettre la perénité d'un système de coopération sociale.
Une erreur grossière consisterait à la confondre avec la justice attributive, qui se contente de veiller à la répartition des biens.

2. En fait, explique Rawls, une justice distributive efficace ne peut qu'appeler à une juste attribution des biens. C'est sans doute de ce genre d'avantage qu'il était question plus tôt dans le livre : un citoyen qui fait des efforts de coopération pourra revendiquer légitimement certains biens ("richesse" et "revenus", plutôt). Il n'est donc pas besoin du concept de justice attributive, puisque tout part du "contexte institutionnel". Les "titres" en sont la conséquence, et donc, la légitimité des revendications aussi.

3. Dans le paragraphe précédent, la redistribution des richesses était qualifiée d'illustration par rapport à la "justice procédurale du contexte social". L'auteur s'explique ici sur ce que cela signifie : "Le terme de contexte dans l'expression (...) employée plus haut a pour fonction d'indiquer que certaines règles doivent être intégrées dans la structure de base conçue comme un système de coopération sociale, de manière à ce qu'il reste équitable au cours du temps, d'une génération à la suivante."
Ainsi, la juste répartition des richesses est aussi bien pensée à l'échelle de la vie humaine que sur une durée qui l'excède. Exemples : impôts, lois sur le legs et l'héritage.

4. "(...) le principe de différence s'applique aux institutions, considérées comme des systèmes de règles publiques (...)". Il impose des taxes, mais c'est la seule intervention durable que s'autorise l'Etat, et elle est prévisible, concertée, et surtout, en accord avec les principes de justice. De plus, les taxes n'ôtent à personne une éventuelle légitimité à revendiquer quelque richesse méritée : elles sont juste une application du principe de différence, censé favoriser les plus démunis sans empêcher les autres d'évoluer. (j'ai de gros doutes sur ma lecture de ce paragraphe ; notamment à cause de l'expression "justice procédurale PURE")
Ce passage est une réponse aux critiques du néo-libéral Nozick. 

Section 15 : La structure de base comme objet ; premier type de raison, p82

1. Pourquoi faire de la structure de base l'object premier de la justice par équité ? Deux types de raisons sont évoquées. "Le premier insiste sur la manière dont les institutions sociales fonctionnent et sur la nature des principes requis pour gouverner ces institutions au cours du temps de manière à préserver la justice du contexte social".
C'est en cela que Rawls rompt avec Locke, par exemple. Une société à la Locke part d'une situation initiale équitable, instaure des règles censément équitables, mais ne fait rien contre l'enrichissement de certains et l'émergence des inégalités. En ceci, elle contredit le second principe de justice rawlsienne.

2. Le manquement se situe donc au niveau de la "durée". Il y a une apparence d'équité et de liberté, dans une société lockienne, mais très vite la situation se dégrade, parce que rien ne veille au respect de principes qui chapeauteraient le système.
La durée, c'est la raison d'être des "règles de justice du contexte social". Pour maintenir la situation équitable, Rawls propose, comme on l'a vu, de réguler l'accès à la propriété (lois sur l'héritage par exemple) et de faire en sorte que l'éducation soit accessible à tous. Cela n'annule pas la nécessité de principes régulateurs des échanges entre particuliers et associations, mais la complète, tâche d'inscrire la situation d'équité dans une sorte de permanence.

3. Ainsi, alors que chez Locke, les principes encadrent des transactions des individus et des associations en se concentrant sur eux, Rawls préconise d'établir d'abord un cadre juste, au sein duquel ces mêmes individus et associations pourront évoluer quasi-librement. Ce cadre, c'est la structure de base.
L'avantage que l'on a à considérer les choses ainsi, c'est que l'on est hors-contexte : les principes de justice ne prennent en compte ni les situations particulières des individus, ni une hypothétique genèse des sociétés ("mythe !"), et pourtant sont publiquement reconnus comme justes. Du même coup, ils vont donc jusqu'à légitimer une distribution des richesses pas forcément égale, mais toujours équitable.

Section 16 : La structure de base comme objet : second type de raison, p85

1. Le second type de raison s'adresse à l'effet même de la structure de base sur les perspectives de vie des individus. Dans toute société, on a d'emblée trois types de contingences qui peuvent affecter ces perspectives :
(a) la classe sociale
(b) les dons innés (et non réalisés)
(c) les aléas du hasard, la chance (chômage, maladies;..etc)
La question qui se pose à la justice comme équité, dans ce contexte, c'est de savoir comment réduire au maximum les inégalités résultant de ces contingences, et lesquelles sont éventuellement acceptables.

2. Mais finalement, quelle est l'influence de la structure de base dans tout cela ?
D'abord, elle a pour Rawls un véritable rôle éducatif. Ses institutions ne se cantonnent pas au "rôle étroit d'une conception politique" (cf H.L.A Hart). Elles sont censées faire prendre conscience au citoyen d'une conception de lui-même comme personne libre et comme l'égal des autres.
Autre chose : il y a chez chacun des ambitions, des projets, une idée du futur qui dépend à la fois de ses dons innés et de sa position sociale, donc d'inégalités qui lui sont propres, mais aussi des possibilités de développer ses dons (donc de l'éducation) et "des principes publics de justice que la société, en plus de professer, met en oeuvre plus ou moins efficacement pour régir les institutions de la justice du contexte social".

3. "En définitive, nous considérons que la structure de base est l'objet premier de la justice comme équité pour les deux types de raisons relevés dans cette section et la précédente. Cette structure comprend les institutions sociales au sein desquelles les êtres humains peuvent développer leurs capacités morales et devenir des membres pleinement coopérants d'une société de citoyens libres et égaux. En tant que cadre qui préserve la justice du contexte social au cours du temps, d'une génération à la suivante, elle réalise l'idée (centrale dans la justice comme équité) de la justice procédurale pure du contexte social comme processus social idéal : c'est l'argumentation du premier type de raison. Elle joue également le rôle public qui consiste à éduquer les citoyens à se concevoir comme libres et égaux, et lorsqu'elle est correctement gouvernée, elle encourage en eux des attitudes optimistes et confiantes dans leur avenir, ainsi qu'un sentiment d'être traités équitablement grâce aux principes publics dont chacun considère qu'ils régissent effectivement les inégalités économiques et sociales : c'est l'argumentation du second type de raison."

Section 17 : Qui sont les plus défavorisés, p88

1. Il faut d'abord introduire une notion importante, celle de biens primaires. Ils désignent le strict nécessaire, autant socialement qu'économiquement, pour qu'un citoyen puisse se réaliser en tant que "personne libre et égale" (aux autres). Ce dernier doit ainsi être en mesure d'exercer ses deux facultés morales et de poursuivre sa conception du bien.
On identifie la nature de biens primaires en se focalisant à la fois sur la personne (psychologiquement, socialement, historiquement), mais aussi sur le régime politique dans lequel elle évolue. Rawls s'intéressera aux biens primaires permettant la réalisation de la personne dans une société démocratique.

2. Cinq sortes de biens primaires :
(i) "Les droits et libertés de base"
(ii) "La liberté de mouvement et le libre choix d'une occupation"
(iii) "Pouvoirs et prérogatives attachés aux fonctions et aux positions d'autorité et de responsabilité"
(iv) "Le revenu et la richesse"
(v) "Les bases sociales du respect de soi-même"

3. Les inégalités portent toujours sur ces biens primaires, sur les attentes raisonnables qui sont celles des citoyens vis-à-vis de ceux-ci, et donc sur leurs perspectives de vie.
-Dans la plupart des systèmes de coopération, une tendance des plus défavorisés concerne le revenu et la malchance (sans pour autant que ce soient les "attributs" exclusifs des moins bien lotis !). Si l'on veut un système juste, il faut réfléchir au système de coopération dans lequel les plus défavorisés seront moins mal lotis que leurs homologues issus d'autres systèmes de coopération.
-Caractère objectif des biens primaires. Pour (v) du paragraphe précédent, par exemple, on ne considère pas le respect de soi-même en tant qu'attitude singulière, mais en ce qu'elle est en germe chez tout individu, et donc potentiellement stimulable. Ainsi, les "bases sociales" dont il est question en (v) sont plutôt des incitations, des appuis pour le respect de soi même. Par exemple, "le fait institutionnel que les citoyens soient libres et égaux, la reconnaissance publique de ce fait et de ce que chacun approuve le principe de différence, qui exprime lui-même une forme de réciprocité".
-Les biens primaires présentent en fait une "conception partielle du bien", c'est-à-dire une conception politique, indispensable à l'élaboration d'une justice quelconque, mais indépendante des conceptions du bien liées aux doctrines englobantes. C'est pourquoi on la dit partielle. Elle doit être le lieu d'un accord entre les partisans de doctrines opposées.

4. Une petite remarque pour clore cette section. Il y a deux façons de dresser la liste des biens primaires :
-bidouiller une sorte moyenne des conceptions du bien des différentes doctrines englobantes, pour mettre en évidence les biens primaires à même de toutes les satisfaire un minimum
-ou utiliser la méthode de la justice comme équité, càd partir de l'idée de société conçue comme système équitable de coopération sociale, et tout élaborer en fonction de l'idée de personnes libres et égales qui lui est inhérente. On ne tient dans ce cas aucun compte des doctrines englobantes, mais on permet leur évolution (leur entrée en rapport de force avec le système de coopération, aussi, si elles sont vraiment trop incompatibles avec lui)

monochrome.dream

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