Section 20 : Attentes légitimes, titres, et mérite, p107

1.  Toute revendication légitime et tout titre n'existent qu'en vertu d'un système de règles institutionnelles. Si ces règles sont compatibles avec les principes de justice et si les titres son respectés, alors la distribution est juste, estime Rawls.

2. On pourrait reprocher à cette conception des choses de faire fi du mérite dans sa dimension morale. Pour autant, elle admet et intègre l'idée du mérite, sous trois formes :
-"l'idée de mérite moral (moral desert) au sens strict". (concernant actions et vertus)
-"l'idée d'attentes légitimes (et son idée complémentaire de titres), qui est l'autre face du principe d'équité"
-"l'idée de mérite institutionnel (deservingness) telle qu'elle est définie par un système de règles publiques conçues pour atteindre certains objectifs"
Petits commentaires de Rawls : la justice comme équité ne peut pas développer le concept de "mérite moral" comme le font les doctrines englobantes, parce que le pluralisme rationnel mènerait à des divergences d'opinions et que ce n'est pas compatible avec la visée politique du système qu'il tente de développer.

3. Par rapport aux attentes légitimes, il explique qu'elles dépendent probablement des cas. On ne peut pas exiger par exemple que le principe de différence s'applique directement entre les membres d'une famille. Ce serait ridicule. Les principes ne sont là que pour chapeauter l'établissement des règles.
Enfin, on peut rapprocher l'idée du mérite institutionnel de celui qui découle du respect des règles d'un jeu. Selon les règles du jeu, il faut mettre en oeuvre différentes qualités pour gagner. Dans un système de règles publiques, c'est la même chose. Et le mérite des citoyens est alors considéré comme d'autant plus grand qu'ils font preuve des qualités qu'exigent les règles. Indépendamment du système de règles, le mérite est néant, politiquement parlant.

4. "La justice comme équité ne fait usage que de la deuxième et de la troisième idée du mérite."
Par rapport à la troisième idée, deux choses encore, dans l'ordre de leur importance :
-Il existe autant de conceptions du mérite institutionnel qu'il peut y avoir de systèmes de règles publiques
-Dans un système bien conçu, le fossé entre ceux qui "méritent" et ceux dont les entreprises sont couronnées de succès est comblé au mieux (mais jamais totalement)

Section 21 : A propos de la conception des dons innés comme atout commun, p110

1. Le mérite ne s'obtient pas du fait que l'on ait des dons innés. (cf Théorie de la Justice, §17) Il doit découler d'une décision volontaire, de quelque chose sur quoi l'individu a prise. Et c'est précisément cela que mettent en avant la première et la troisième idée de "mérite" décrites à la section précédente.
Les attentes légitimes d'un citoyen ne peuvent récompenser que les efforts qu'il aura fait pour le bien commun.

2. Précision sur le §17 de Théorie de la Justice (p101) : le principe de différence est l'aboutissement d'un accord selon lesquels les partenaires admettent que la distribution des dons innés doit être considérée comme un atout commun. Pour le fonder, on ne part donc nullement du principe de propriété.

3. Il faut bien remarquer que ce ne sont pas les dons innés eux-mêmes qui sont considérés comme un atout commun, mais leur distribution, c'est-à-dire leur diversité et leur différence de degrés, qui est utile à la société. Rawls donne ici l'exemple d'un orchestre : le fait que chaque musicien joue d'un instrument différent permet à l'oeuvre d'exister. Il en va de même en société : la complémentarité des dons est un atout.

4. L'expression "atout commun" fait référence au "plus" que peut devenir la société qui aurait accompli l'idéal d'égalité démocratique. La nature est injuste dans la répartition des dons innés, mais trouver un principe qui composerait avec cette injustice pour s'accomplir en une justice sociale, c'est là le but de la justice comme équité. Avec le principe de différence, c'est la réciprocité qui réunit : on encourage les plus doués à développer leurs dons, et ils sont dits méritants s'ils mettent ensuite ces dons au service du bien-être de l'ensemble de la communauté (les moins doués comme les plus doués).
Cette avant-dernière section de la partie II est aussi l'occasion pour Rawls de donner au lecteur un aperçu des problèmes dont traitera la partie III. A terme, son objectif sera de réconcilier le citoyen avec sa société (voir partie 1,section 1, point 3).


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