Section 8 : Relation entre les idées fondamentales, p47

1. L'ordre dans lequel nous avons présentées ces cinq idées fondamentales est logique : l'une appelle l'autre... (cf alinéa 2, à garder pour synthèse orale)

2. Le raisonnement suivi à partir de l'idée de coopération sociale, n'est pas une argumentation déductive.

3. L'idée de la société comme système équitable de coopération est ici hissée (théoriquement) au rang d'idée organisatrice centrale de la société. Mais aucune idée organisatrice centrale ne peut se justifier par la seule vertu de son caractère intrinsèquement raisonnable. Il faut qu'en plus, ses aboutissants en matière de conception de la justice tiennent la route.

Section 9 : L'idée de jutification publique, p48

1. Sixième et dernière idée fondamentale. Elle implique celles d'équilibre réfléchi (section 10), de consensus par recoupement (section 11) et de raison publique libre (section 26).
L'idée de justification publique est liée à la notion de "société bien ordonnée". Dans ces sociétés, la justice est publiquement reconnue. Trois aspects font de la justification une conception politique :
(a) Elle a un objet, la structure de base, et c'est à lui seul qu'elle s'applique directement
(b) Elle n'a à être raisonnable que du point de vue de son objet. Aucun rapport, donc, avec une doctrine englobante.
(c) Elle s'articule autour d'idées fondamentales qui dérivent directement de ce qui fonde la notion de "société démocratique". (question stupide, mais je me demande pourquoi Rawls ne dit jamais simplement "démocratie"...; si le mot se trouve dans ces notes (je crois avoir osé une fois), c'est schématique de ma part... je ne l'ai pas lu une fois dans le texte !)

2. Il y a dans une société bien ordonnée, une base principale, admise par tous, et qui permet aux citoyens de justifier leurs engagements politiques. Car évidemment, un monde sans conflits est impossible. Il importe donc qu'une justification publique le soit, pour répondre aux indécis, aux opposants, aux suspicieux. Et cette justification publique porte au-delà de la simple argumentation valide. Tout le raisonnement doit être basé sur du communément admis, et chaque conclusion, chaque étape du système mis à jour au fil des déductions successives, doit satisfaire le même critère.
"Pour que la justice comme équité réalise son objectif, elle doit être acceptable, non seulement en regard de nos propres convictions bien pesées, mais également en considération de celles des autres, et cela à tous les degrés de généralité, de manière à atteindre un équilibre réfléchi plus ou moins étendu et général."(p50-51)

3. Si un accord total est impossible, il importe au moins de s'entendre sur la question de la structure du gouvernement ("pouvoirs des branches législative, exécutive et judiciaire, limites de la règles de majorité, etc") et celle des droits et libertés fondamentaux.
D'autres questions (économiques par exemple) resteront forcément hors de ce cadre, que Rawls juge pourtant essentiel, parce qu'il est la première condition d'une "coopération politique et sociale entre citoyens libres et égaux".

4. Le but de la justification publique est de "préserver les conditions d'une coopération sociale efficiente et démocratique". Elle se distingue des justifications politiques basées sur des doctrines englobantes qui affirment une "vérité"... Dans ces remarques, c'est l'intuitionnisme rationnel et l'utilitarisme qui sont plus particulièrement visés (l'auteur défend, on s'en doute, un libéralisme politique).
La justification publique doit au contraire réduire les désaccords sur les questions constitutionnelles essentielles, tout en restant compatible avec n'importe quelle doctrine. "Lorsque cet objectif est atteint, nous obtenons un consensus par recoupement de doctrines raisonnables (section 11), et la conception politique est alors affirmée en équilibre réfléchi".

Section 10 : L'idée d'équilibre réfléchi, p52


1. On part de l'idée que les citoyens possèdent des facultés de raison, ainsi qu'un sens de la justice. Ils sont ainsi capables d'émettre ce qu'on appelle des"jugements bien pesés". C'est à dire, des jugements impartialement justes, non déviés par des tentations quelconques, et formulés dans une situation où celui qui les émet a tout intérêt à ce qu'ils soient justes, où raison et sens de la justice peuvent donc s'exercer sans restrictions.

2. Seulement, même des jugements bien pesés peuvent entrer en conflit. Il n'est pas rare que chez un même individu, deux réponses à deux problèmes de niveaux de généralité différents, se contredisent. (car on peut aussi bien juger le particulier que le général)
Pour Rawls, la cohérence est importante. Résorbatrice de conflits intérieurs et de polémiques insolubles.
C'est dans cette optique qu'il propose un accord au niveau de la structure de base, et sous "voile d'ignorance", pour que d'autres niveaux de généralité ne viennent pas, avec les intérêts dont ils sont porteurs, parasiter le jugement des partenaires. Cela permettrait, alors, un accord raisonnable sur des questions cruciales dont les réponses ne peuvent émaner que de la communauté.

3. On en vient à la notion d'équilibre réfléchi à proprement parler. Deux nuances :
-l'équilibre réfléchi est étroit si une personne admet, sans la rapporter à toutes celles qui existent déjà, la conception de la justice politique qui lui demandera le moins de révision possible dans ses convictions bien pesées. Elle aligne ensuite ses jugements dessus.
-il est étendu dans le cas contraire.
Il est évident que Rawls privilégie le second type d'équilibre réfléchi.

4. Dans une société bien ordonnée, on retrouve cet équilibre réfléchi étendu à tous, donc généralisé. On parle alors d'équilibre réfléchi complet (situation limite, idéale). Mêlé à l'idée de justification, cet équilibre n'est pas fondationnaliste : il admet tous types de jugements bien pesés, il est compatible avec tous et n'impose aucune doctrine englobante. C'est l'une des bases de la justification publiquen car la condition d'un "accord raisonnable sur les questions de justice politique".

Section 11 : L'idée d'un consensus par recoupement, p56

1. On introduit l'idée d'un consensus par recoupement (raisonnable) pour injecter une dose de réalisme à celle de société bien ordonnée. Si, dans ce genre de société, tout le monde s'accorde sur la même conception politique de la justice, c'est pour des raisons différentes, qui tiennent aux doctrines d'appartenance et donc aux conceptions du bien de chacun. Toutes les doctrines s'unissent donc dans la conception de la justice publiquement admise.

2. Chaque citoyen vit selon deux conceptions :
-la conception politique de la justice
-sa doctrine englobante et systématique, qui englobe alors la première ; ou, s'il n'en n'a pas, une conception plus relâchée des choses, qui implique cependant qu'un poids particulier soit dévoyée à la conception politique. cf section 58 pour ce que cela implique.

3."Toute conception politique a une vision du monde politique et social et reconnaît (cinq) faits généraux de sociologie politique et psychologie humaine" :
-le fait du pluralisme raisonnable
-le fait de l'oppression : un Etat fondé sur une doctrine ne peut qu'en passer par là pour la maintenir (exemple : l'Inquisition ; mais aussi les sociétés morales à la Kant ou à la Mill)
-pour qu'un régime démocratique soit durable et sûr, il faut un accord de base, même entre des citoyens soutenant des doctrines irréconciliables
-"la culture politique d'une société démocratique qui a fonctionné raisonnablement bien pendant une période considérable de temps, contient normalement, au moins implicitement, certaines idées fondamentales appropriées à un régime constitutionnel"

4.Ces idées exigent d'être précisées. Pourquoi y a-t-il pluralisme raisonnable, par exemple, si l'on part du principe que l'on est en société bien ordonnée ?
Rawls refuse les raisons trop faciles qui en appellent aux intérêts personnels et aux erreurs de jugement. Il met plutôt cela au compte d'obstacles qui empêcheraient le plein déploiement des facultés de raison et de jugement. L'erreur ne viendrait donc pas de la personne (sa bêtise ou son immoralité, puisque c'était bien là l'accusation sous-jacente). Cinq sources de "burdens of reason" (difficultés de jugement) :
(a) les preuves relatives à une question politique ne sont pas évidentes
(b) désaccord sur l'importance des considérations les unes par rapport aux autres
(c) tout concept est un peu vague... et en discuter nécessite toujours une part d'interprétation
(d) divergences dues à "l'expérience complète" des personnes : leur parcours personnel fait qu'elles évaluent et pondèrent différemment, respectivement les preuves et les valeurs.
(e) "Il existe souvent des considérations normatives de sortes différentes et de poids varié des deux côtés d'un débat, et il est difficile de produire une évaluation d'ensemble" (en note, Rawls renvoie à l'avis d'Isaiah Berlin sur la question du pluralisme des valeurs en société démocratique)
Le cinquième fait général, enfin :
- nos jugements sur "les valeurs politiques de base" sont énoncés dans un contexte qui ne permet pas d'exercer totalement ses facultés raisonnables.

5.Ceci posé, il ne faut surtout pas s'enfoncer dans un secpticisme qui consisterait à penser qu'aucun accord n'est possible, que les valeurs individuelles ne peuvent nulle part, jamais, se recouper, et que toute valeur reconnue fait signe vers une volonté individuelle qui aurait dicté ses intérêts.
On a vu quelles difficultés de jugement sont à l'origine de l'inéradicabilité du fait du pluralisme en démocratie. (bien que Rawls ne nie pas les travers égoïstes...)
Le consensus par recoupement apparaît comme la seule solution démocratique possible à ce fait.
"(...) nous recherchons une conception politique de la justice qui puisse gagner le soutien d'un consensus par recoupement raisonnable afin de servir de base publique de justification" (p62)

6. Deux remarques pour finir :
-Toutes les doctrines englobantes existantes ne sont pas compatibles avec les valeurs démocratiques. En résulte un conflit dont on ne peut présumer l'issue
-Toutefois, la conception politique de la justice doit être établie en faisant abstraction de toutes les doctrines englobantes. Elle doit être acceptable et raisonnable en elle-même, sans tentative inutile pour réconcilier l'irréconciliable ou s'attirer l'allégeance générale.
Plus tard, dans la cinquième partie, Rawls s'emploiera à montrer pourquoi il croit en la justice comme équité et en quoi elle lui semble réaliste.

Fin de la première partie

monochrome.dream

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