Avertissement aux amateurs de copier-coller et aux gardiens de l'orthodoxie
Ce texte est un document de travail, pas un exposé magistral. Son contenu ne saurait faire autorité.


Trois pages pour expliquer de façon lumineuse et progressive en quoi consiste l'analyse.

1. « C'est la reconstitution complète de l'histoire du sujet qui est l'élément essentiel, constitutif, structural, du progrès analytique. »
Attention, soyons attentif d'abord à ce que cette phrase ne dit pas. Elle ne dit pas que le but de l'analyse soit la reconstitution complète de l'histoire du sujet. Elle dit simplement qu'elle en est l'élément essentiel, constitutif, structural. Bref, on dit que c'est en cela qu'elle consiste. On pourra aller jusqu'à dire qu'elle se déroule « comme si » c'était là son véritable but.

Soyons attentif ensuite à ce qui est presque implicite : si c'est de l'histoire du sujet qu'il s'agit, ce dont l'analyse est faite, ce n'est pas de généralités concernant telle ou telle affection nerveuse, mais bien de quelque chose de tout à fait singulier.
On voit que l'approche freudienne cherche pas, à partir des symptômes, à identifier une maladie dûment répertoriée dans un manuel de médecine, à laquelle serait associé un protocole déterminé, identique pour tous les patients souffrant de la même affection.

2. « Le prendre dans sa singularité (…) cela veut dire essentiellement que pour lui (Freud), l'intérêt, l'essence, le fondement, la dimension propre de l'analyse, c'est la réintégration par le sujet de son histoire … »
C'est donc en cela qu'elle consiste, de cela qu'elle est faite, l'analyse. Mais n'oublions pas le « comme si » du point 1 !

3. La phrase continue : « … la réintégration par le sujet de son histoire jusqu'à ses dernières limites sensibles, c'est-à-dire jusqu'à une dimension qui dépasse de beaucoup les limites individuelles. »
Qu'est-ce à dire ? Littéralement que l'histoire du sujet déborde des limites individuelles de celui-ci. Elle précède sa naissance, elle implique d'autres acteurs. Elle peut remonter les générations. Cette non-coïncidence de l'individu avec son histoire en tant que sujet et, allons jusque-là, la non-coïncidence du sujet avec ce que nous appelons l'individu sont ici des notions essentielles.

4. Revenons au « comme si ». L'analyse met-elle systématiquement l'accent sur le passé ? En d'autres termes, « la réintégration par le sujet de son histoire », est-ce la réintégration par le sujet de son passé ?
Justement pas, et attention, la nuance est décisive pour la compréhension de l'ensemble du propos.
L'histoire et le passé ne sont pas la même chose. Ou alors il faut préciser que « l'histoire est le passé pour autant qu'il est historisé dans le présent ».
L'histoire, c'est du présent, c'est la façon qu'a le passé d'appartenir au présent. Et l'on voit dès lors que si le passé est unique, son histoire qui se conjugue au présent peut être diverse.

5. Lacan insiste sur le fait que la réintégration par le sujet de son histoire n'a jamais cessé d'être pour Freud l'essence de l'analyse, même après l'élaboration théorique du point de vue structurel (moi, ça, surmoi). Sur ce point, Lacan se démarque des épigones de Freud, qui s'appuient sur ce point de vue structurel pour centrer l'analyse sur les rapports des trois instances hic et nunc.

6. C'est l'histoire qui compte, l'histoire en cours d'élaboration et non pas le passé en tant que tel. « Le fait que le sujet revive, se remémore, au sens intuitif du mot, les événements formateurs de son existence, n'est pas en soi-même tellement important. Ce qui compte, c'est ce qu'il en reconstruit. » Et ça, ça a lieu dans le présent. «En fin de compte, ce dont il s'agit, c'est moins de se souvenir que de réécrire l'histoire. »

7. Alors qu'est-ce que l'analyse ? « … dans la conception de Freud lui-même, (…) il s'agit de la lecture, de la traduction qualifiée, expérimentée, du cryptogramme que représente ce que le sujet possède actuellement dans sa conscience – qu'est-ce que je vais dire ? de lui-même ? non, pas seulement de lui-même – de lui-même et de tout, c'est-à-dire de l'ensemble de son système. »
    Plusieurs choses dans cette citation :
    a. Ce qu'il faut lire et traduire, ce cryptogramme, c'est du langage.
    b. C'est présent actuellement dans sa conscience, c'est l'état brut, largement implicite de son histoire         de sujet.
    c. Et, comme nous l'avons déjà souligné au point 3, cette conscience est conscience non pas de soi         seulement, mais de tout un système bien plus vaste, incluant la famille, l'époque, l'état de la  culture.


CAFE-BABEL

Par a.fleur.de.curiosite le Mardi 26 février 2008 à 21:55
Au sujet du point 4, ta remarque sur le symptôme m'avait aidé à comprendre en quel sens "le passé est historisé dans le présent".

Je suis habituée à lire des mots. Et ce qui me manque (entre autre), c'est de lire les mots qui ne sont pas là. Non seulement les mots peuvent avoir plusieurs sens, le langage peut être polysémique (et crypté), mais en plus, il n'y a pas que ce qui est dit, mais il y a aussi ce qui n'est pas dit, à travers certains mots.
Depuis ISA, je n'en démords pas, j'ai tout simplement l'impression de ne pas savoir lire. J'ai appris à parler il y a un peu plus d'un an, voilà que j'apprends à lire cette année. Quant à apprendre à écrire... c'est une autre histoire ! ;-)

Une petite remarque euh... "méthodologique" au passage: le système de points (1, 2, 3 ...) est très bien exploité ici je trouve, pour suivre la progression. J'avais l'habitude de prendre l'ensemble des éléments, de rapprocher certains sous des "points", des "axes". (Je ne sais pas si c'est très clair.) Mais cette manière de procéder me paraît beaucoup plus adéquate. Suivre la progression, comprendre comment le raisonnement se met en place, comment l'idée se révèle, s'affine.

C'est incroyable le nombre de choses qui me ramènent à ISA. J'en ferai presque le livre majeur de Freud maintenant ! rires

Sur ce, à très vite cher cafetier. =)
Par monochrome.dream le Samedi 1er mars 2008 à 10:26
Alors par l'analyse, le sujet reconstruit non entièrement mais complètement son histoire ? Ce que je ne saisis pas, c'est comment l'histoire du sujet peut déborder au point que Lacan dit ; et en quoi est-il utile de se réapproprier et de reconstruire ces pans d'histoire débordants, lors d'une analyse ?
 

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