Avertissement aux amateurs de copier-coller et aux gardiens de l'orthodoxie
Ce texte est un document de travail, pas un exposé magistral. Son contenu ne saurait faire autorité.
 

CINQUIEME MEDITATION

 
Petite remarque préliminaire.
Dans ce résumé, il m'arrive très souvent de dire «nous », ce qui, du strict point de vue de Husserl, serait une faute, puisqu'au départ de cette 5e Méditation le « nous » n'est pas encore accessible. Il faut donc en conclure que mon point de vue, ici, n'est pas tout à fait le sien. A l'examen, tu tâcheras d'éviter de tomber dans ce petit piège.


§ 42

Rappelons l'acquis de la Quatrième Méditation : l'ego transcendantal est capable de constituer un monde objectif.
Mais, en restant strictement, comme le prétend la phénoménologie transcendantale, dans le cadre de l'ego transcendantalement réduit, n'est-on pas contraint au solipsisme ?
Comment, dans ce cas, rendre compte du fait (« évidence » naturelle) qu'il existe des autres ?

§ 43

Dans ce paragraphe, Husserl anticipe la démonstration qu'il fera par la suite. On peut donc ne pas s'y attarder.

§ 44

L'autre – c'est-à-dire l'autre comme sujet (Husserl n'utilise pas ce mot) - on en a déjà une idée assez précise, mais seulement dans le cadre de la connaissance naturelle, dont nous avons récusé méthodologiquement les données. La question est donc de savoir si la phénoménologie transcendantale est en état de fonder une théorie certaine du sujet. En d'autres termes, s'il est possible de constituer l'autre en tant que sujet, à partir du déploiement de l'ego transcendantal.

Pour cela, il faut d'abord abolir toute connaissance naturelle d'autrui.
Une nouvelle épochè sera nécessaire pour cela, à l'intérieur de la monade (l'ego comprenant tous ses vécus de conscience).

Cette épochè consiste en la mise entre parenthèses de tout ce qui réfère à la subjectivité étrangère. Entendons-nous bien : il ne s'agit pas de faire comme si les autres n'existaient pas ; on va seulement éliminer du champ de la réflexion tout ce qui peut nous induire à penser que les autres sont des sujets.

1. Je circonscris ce qui m'est spécifique, le non-étranger, pour me tenir désormais strictement à l'intérieur de ce domaine. Cela revient :
    a) à faire abstraction de tout ce qui nous fait penser que les autres sont des sujets.
    b) à faire abstraction de tout ce qui dans le monde peut apparaître comme le produit d'un sujet autre     que mon ego transcendantal.
Remarque : Que penser alors du langage ? Normalement, il devrait être mis entre parenthèses…

Au terme de cette opération, il ne me reste qu'un certain niveau de réalité (l'expression n'est pas de H.) dans laquelle mon ego se donne comme la seule instance subjective.

Pourquoi fait-on cela ?
Il s'agit de fonder la constitution d'autrui, que nous allons entreprendre, sur une base nettoyée de tout vestige de subjectivité étrangère naturelle.

2. Parmi les corps que je rencontre dans cette sphère du non-étranger, il y en a un qui présente une caractéristique tout à fait spécifique : mon corps propre.
Il se présente à moi :
    a) comme un objet du monde ;
    b) comme substrat de mon je personnel, comme pôle égoïque (l'ici de tous mes vécus de                         conscience).
En effectuant la mise entre parenthèse (scotomisation) de l'étranger, je n'ai pas affecté ma propre expérience du monde et donc la possibilité d'y trouver des autres (pour l'instants réduits à l'état de simples objets).

§ 45

Cette réduction du phénomène du monde à ma spécificité étant accomplie, en tant qu'ego transcendantal,  je constate que l'expérience de l'autre, je la fais à l'intérieur même de ce monde réduit. C'est du dedans ce cette sphère que j'accède au phénomène étranger.
Mais il ne suffit pas de le dire, il faut le démontrer.

§ 46

Pour cela, il faut changer de perspective. Jusqu'ici, nous avons défini de manière négative ce concept de ce qui m'est spécifique. Maintenant, nous allons passer à une définition positive.
C'est en effet dans le mouvement de l'élaboration progressive de ce concept que se révélera, à l'intérieur de ma propre monade, la place de l'autre en tant qu'autre.

Dans la réduction transcendantale, la réflexion sur moi, ego transcendantal, me conduit :
a) à ce qui m'est donné, à ce que je perçois maintenant de cet ego-ci ;
b) au constat que, sans saisie, sans perception, je suis toujours déjà prédonné  à moi-même.

En tant qu'ego prédonné, je suis un horizon ouvert et sans fin de propriétés non découvertes.

a) L'analyse me révèle en premier lieu ma temporalité. En particulier la distinction entre le présent vivant, que me livre la perception, d'une part, et, de l'autre, le passé concevable grâce aux ressouvenirs, et l'avenir, sur le mode de l'anticipation.

b) Remontons maintenant à l'expérience originaire de soi, à l'évidence apodictique de la perception transcendantale de soi, à cet eidos-ego défini dans la 4e Méditation. De cet a priori apodictique universel participe chaque explicitation de données égologiques singulières. Il en découle une loi formelle elle-même apodictique : autant d'apparence, autant d'être. Il n'est d'être que ce ce qui apparaît, ce qui n'exclut pas que l'être soit falsifié ou masqué par l'apparence).

§ 47

Il résulte de ce dernier point que la perception constituante et l'étant perçu appartiennent à ma propre spécificité concrète.
A ma spécificité concrète appartiennent également des objets transcendants.
La réduction à laquelle nous avons procédé, par exclusion des composants du sens étranger n'empêche pas l'ego d'accéder à la totalité du monde (ce n'est que le sens « en fonction de l'autre » qui est exclu).
Donc, à l'intérieur de la sphère de l'explicitation originale de soi (ma monade) j'accède à une première distinction fondamentale : moi et non-moi.

§ 48

Je puis donc être conscient de quelque chose que je ne suis pas, de quelque chose qui m'est étranger.
Tous les modes de conscience qui me sont propres n'appartiennent pas au cercle des modes de ma conscience de moi-même.
Cela ne va pas de soi. Il nous faut comprendre comment l'ego peut avoir en lui des intentionnalités dotés d'un sens d'être qui transcende absolument son propre être.

Anticipant sur les résultats de cette analyse, Husserl distingue deux transcendances :
a) la transcendance primordiale - le monde - celle qui nous est apparue au § 47, moment de détermination de mon être concret en tant qu'ego.
b) la transcendance objective, de niveau supérieur, qui constitue l'essence de la transcendance primordiale. Sur quels modes le monde m'apparaît-il comme expérience ?

§ 49

Le passage de la transcendance primordiale à la transcendance objective se fera à travers la constitution de l'autre, des autres.
En effet, la constitution de l'autre va donner à mon monde primordial le sens d'un monde objectif, c'est-à-dire comme étant le même pour moi et les autres. Le monde objectif est donc le monde primordial doté d'un sens, le monde humain.

Partant des autres purs (que nous livre l'analyse transcendantale de l'ego dans ma sphère propre), nous aboutirons à la constitution d'une communauté de monades définissant un seul et même monde.
Le monde objectif est le produit de l'intersubjectivité transcendantale (intentionnalité constituante communautaire). La constitution du monde objectif implique donc une harmonie des monades et donc une constitution harmonique dans les monades singulières.
Il ne faut surtout pas y voir une structure sous-jacente d'ordre métaphysique (harmonie préétablie). Les monades ne sont pas des hypothèses métaphysiques.

§ 50

Dans ma sphère primordiale, l'autre m'apparaît sous la forme d'un corps (en chair et en os). Mais ce qui appartient à son essence propre ne m'est pas livré comme donnée originaire dans ma sphère primordiale.
Pourtant, il se passe quelque chose. D'emblée, ce corps est plus qu'un simple objet. Quelque chose de plus est rendu présent (apprésentation).
Il en va de même dans une moindre mesure dans toute expérience externe : ce qui se montre de l'objet présuppose une part non montrée de ce dernier. Mais, dans ce cas, il s'agit de la part non encore montrée, dont je peux faire l'expérience sur le même mode que la part montrée.
Dans le cas de l'autre, c'est différent. Comment le sens « autre » peut-il m'être donné ?

Examinons l'expression alter ego. Ce qui est autre (alter), c'est l'ego, c'est-à-dire celui que je suis moi-même. C'est bien par là que nous allons passer.

Revenons à l'apparition de l'autre en chair et en os.
Le corps de l'autre, en tant que corps, n'est qu'un simple élément de détermination de moi-même , sous la forme de la transcendance immanente, en tant que vécu de conscience.
Remarquons en outre que la perception de ce corps comme alter ego est immédiate. Elle relève de la synthèse passive, elle n'est pas le produit d'un raisonnement.
Il s'établit donc un lien immédiat que Husserl appelle un transfert aperceptif issu de mon propre corps. On obtient une saisie analogisante du corps là-bas comme corps propre.

Cela peut s'expliquer à un niveau de généralité plus grand par l'analyse de l'aperception.
Toute expérience d'un objet (fût-il inconnu) renvoie à une expérience originaire, fondatrice, par laquelle nous avons acquis  le sens de l'objet (archi-fondation). C'est ce qui fait que je reconnais cette table comme étant une table, et cet objet inconnu comme étant (par exemple) « une sorte de table ».

« Toute expérience quotidienne recèle un transfert analogisant du sens objectif, originairement fondé, sur le cas nouveau, dans son appréhension anticipatrice de l'objet comme objet de sens semblable. »

§ 51

Dans cette expérience de la saisie du corps de l'autre comme corps propre, l'original archi-fondateur est toujours à l'œuvre de manière vivante. Mais je ne peux pas faire l'expérience effective  de l'autre comme corps propre. Cette expérience n'appartient pas à ma sphère primordiale. Sinon, l'autre serait moi, directement.

Pour que j'y accède, il faut un appariement : l'ego + l'alter ego.

Appariement en configuration de couple, d'abord, puis de groupe, de pluralité.
L'appariement est un phénomène universel de la sphère transcendantale.
Outre l'identification, la synthèse passive présente une seconde forme fondamentale : l'association.
L'appariement est une association liant deux data distincts formant une unité de ressemblance.

Dans la perception de l'alter ego par l'ego, l'appariement a lieu quand l'autre entre dans le champ de ma perception. Le corps de l'autre, dont je reconnais qu'il ressemble au mien, entre avec le mien dans un appariement phénoménal, il reçoit le sens de corps propre par glissement de sens issu du mien.

§ 52

Comment se fait-il que ce sens transféré me donne les déterminations psychiques (la part inaccessible) du corps que j'ai devant moi ?

Le corps étranger et le je étranger, en effet, sont donnés dans une expérience transcendantale unitaire.

Cette expérience a lieu dans la durée, comme une succession d'apprésentations se déroulant de manière synthétique et concordante.

Le corps étranger s'annonce comme corps propre dans son comportement changeant, mais concordant. Si le comportement devient discordant, le corps propre est éprouvé en tant qu'apparence de corps propre.

L'étranger est forcément pensé comme l'analogon de ce qui m'est spécifique.
L'autre m'apparaît dans mon monde primordial en tant que modification intentionnelle de mon je.
Et avec le je proprement dit est apprésenté tout ce qui appartient à la concrétion de ce je, à savoir son propre monde primordial.
C'est ainsi qu'une autre monade se constitue apprésentivement dans la mienne.

Il se passe quelque chose d'analogue dans le fait qu'à l'intérieur de la sphère de mon présent vivant, mon passé ne m'est donné que par souvenir, en tant que présent révolu.
Mon passé remémoré transcende mon présent vivant. De la même manière, l'être étranger apprésenté transcende l'être propre.

§ 53

Approfondissement de l'explicitation des connexions noématiques de l'expérience de ce qui est étranger, et première étape de la constitution d'un monde objectif.

Mon corps propre m'apparaît sur le mode de l'ici ; celui de l'autre sur le mode du là-bas.
En changeant de position, je puis faire qu'un là-bas quelconque devienne mon ici.
En me déplaçant, je peux donc procéder à des changements de perspective. De l'ensemble de toutes ces perspectives possibles découle la constitution d'une nature spatiale unique pour moi.

A chaque changement de position correspond un système d'apparences.
Dès lors, l'autre là-bas n'est pas une réplique de moi-même dotée d'une sphère primordiale identique à la mienne. Je l'aperçois avec les modes d'apparition spatiaux que j'aurais moi-même si j'allais là-bas, où il se trouve.

§ 54

Le corps de l'autre tel que je le perçois dans ma sphère primordiale m'apparaît sur le mode du là-bas. Il ne m'apparaît pas, comme c'est le cas pour moi, en tant que corps propre ici, mais rappelle mon aspect corporel lorsque j'étais là-bas, dans l'expérience du ressouvenir (§ 52).

L'appariement s'accomplit entre mon corps (physique) en tant que synthèse de tous les là-bas possibles et le corps physique extérieur perçu comme corps propre d'un autre monde par analogie avec mon monde primordial.
Mais cet autre monde primordial, en quoi est-il identique ou différent du mien ?

Nous avons un rapport a/b = c/d

1. corps propre (de je) / 2. mon monde primordial   =  3. corps de l'autre reconnu comme corps propre
  / 4. son monde primordial

Il faut noter que les trois premiers termes appartiennent à ma sphère primordiale, mais pas le 4e, dont je ne peux pas avoir une expérience immédiate.
Mais  a) l'autre m'apparaît bien comme l'ego d'un monde primordial, et b) la constitution d'un monde objectif commun, unique, permettrait de surmonter cet obstacle de la non-perception immédiate du monde primordial de l'autre.
Mais nous n'en sommes pas encore là.

En conclusion, résumons-nous :
La compréhension de la corporéité de l'autre, de son comportement strictement corporel, est le premier contenu.
Dans ce corps, à l'origine de ce comportement que j'observe, il y a un je.
Par l'empathie, je parviens à comprendre quelque chose de la sphère psychique de ce je.

§ 55

L'objet de ce long paragraphe est de définir la communauté qui s'instaure entre je et l'autre, la communauté entre mon ego monadique et le sien, première étape de la constitution d'un monde objectif (commun).

Le premier élément constitutif de cette communauté est justement le corps de l'autre, point de convergence ou domaine de recouvrement du je psychophysique étranger et du je psychophysique propre.

Ce corps est avec certitude commun aux deux sphères primordiales, la mienne, sur le mode du là-bas, la sienne (inaccessible) sur le mode de l'ici.
Encore une affirmation qu'il va falloir démontrer.

Notons que le problème lui-même ne peut être posé qu'à partir du moment où la sphère primordiale de l'autre a été reconnue, et reconnue comme rigoureusement distincte de la mienne propre.

Notons au passage que dans ce § (p. 171), Husserl élabore, sans le savoir et donc sans le dire, le concept de signifiant.
L'apprésentation, dit-il (nous ajoutons : d'un sens) est une présentification liée par association à la perception authentique (nous dirons : d'un signifiant), mais elle est confondue avec cette perception.
La perception nous livre un signifiant auquel un sens est associé.

Selon Husserl, toute perception de ce type est transcendante : elle pose plus que ce qu'elle rend effectivement présent.

Ce corps (de l'autre) qui appartient à ma sphère primordiale est nécessairement perçu comme support d'un autre ego.
Le corps là-bas de l'autre est forcément le corps propre ici de cet autre.
Ce corps là-bas apprésente le règne de l'autre ego sur ce corps et donc la nature qui lui apparaît sur le mode de l'ici, comme elle m'apparaîtrait si j'étais là-bas, à sa place.

Donc, le corps de l'autre, pour moi, est bien identique au corps propre de l'autre (pour lui).
Je peux en déduire que la nature que je perçois est bien la même (par substitution de points de vue) que la sienne.

Ma sphère primordiale et la sienne restent radicalement distinctes, mais leurs intentionnalités respectives visent les mêmes horizons.

Revenons à la démarche telle qu'elle se déroule, et d'abord telle qu'elle ne se déroule pas.

Je ne me retrouve pas avec une seconde sphère originelle, une seuxième nature, un deuxième corps personnel (celui de l'autre) dans cette nature, de telle sorte qu'ensuite je me demande comment rassembler l'une et l'autre comme des modes d'apparition d'une seule et même nature objective.
Dans l'apprésentation, l'identité est déjà réalisée.

On peut nommer la perception du monde objectif une perception telle que l'autre regarde dans la direction de la même chose que moi, bien que cela se passe dans ma sphère propre.

On parlera d'une nature constituée en moi comme constituée par un autre.

Le phénomène d'expérience « nature objective » présente deux « couches » noématiques :
- ce que cette nature est pour moi (tout autre étant mis entre parenthèses) ;
- ce qui est apprésenté (qui dote la première d'un sens nouveau) à partir de l'expérience de ce qui est étranger.

Le même objet de la nature « s'enrichit » des modes de donation possibles de l'autre.
Ainsi se constitue, à un niveau supérieur, le monde des hommes et de la culture.

Le problème de la structure du sens
Par ailleurs, les systèmes d'apparition de autres (noèses) sont nécessairement apprésentés comme étant les mêmes que les miens, à quelques différences (anormalités) près (cécité, surdité, etc.)

En tout état de cause, l'anormalité elle-même ne se constitue que sur le fond d'une normalité préalable.
Relève également du problème de l'anormalité celui de l'animalité. Les animaux sont essentiellement constitués pour moi comme des variantes anormales de mon humanité.

Cette identification synthétique des objets du monde décrite ci-dessus est du même ordre que, dans ma sphère propre, la constitution de l'unité d'un objet par le biais de présentifications.

Deux exemples
1. Comment un vécu personnel acquiert-il pour moi le sens de la validité d'un vécu existant dans sa figure et son contenu temporels ? La première expérience de l'objet est révolue, mais je puis y retourner par des présentifications répétées. Une synthèse d'identification lie ces présentifications dans la conscience évidente du même.
Le même : objet intentionnel identique immanent à des vécus distincts, en tant qu'irréel.
Peu importe que ces vécus distincts soient les vécus du je ou, à une autre échelle ceux du nous.

2. Constitution d'objets idéaux, par exemple un théorème mathématique, « disponible » pour d'indéfinies répétitions que chacun peut faire à discrétion. La supra-temporalité de ces objets idéaux est en fait une omni-temporalité.

On distinguera l'objectivation omni-temporelle des objets idéaux et l'individualisation des réalités objectives (matérielles) par l'espace et le temps.

Conclusion :
L'expérience de ce qui est étranger opère une liaison, réalisée par une présentification entre l'expérience de soi et la sphère étrangère présentifiée en lui.
Sont établies :
- la coexistence de mon je et du je étranger :
- la coexistence de ma vie intentionnelle et de la sienne ;
- la coexistence de mes réalités et des siennes.

Les monades sont constitutivement liées entre elles. Elles forment une communauté indissoluble qui dépend de la constitution d'un monde et d'un temps du monde.

§ 56

Les autres se constituent donc en moi comme des étrangers : on ne peut concevoir pour eux d'autre manière d'avoir sens et validité pour moi.
Ce sont des monades qui sont pour elles-mêmes exactement comme je suis moi pour moi-même.
Mais elles sont aussi en communauté.

Les relations entre les monades
- Mon existence psychophysique est séparée de celle des autres. Cette séparation se présente comme spatiale en raison de la spatialité des corps objectifs.
- Chaque monade forme une unité close. Mais l'irruption réelle et intentionnelle des autres au sein de ma primordialité n'est ni un rêve ni un fantasme. C'est une liaison par principe (essentielle) qui rend transcendantalement possible l'être d'un monde d'hommes et de choses.

Les degrés supérieurs de communauté intermonadique
L'autre m'apparaît d'abord dans le cadre de (donc subordonné à) mon existence, qui représente l'élément constitutif central.

Mais dès lors que je reconnais l'autre comme un sujet psychophysique, j'admets qu'il représente lui aussi une centralité. La relation est nécessairement réciproque.

Le sens d'une communauté humaine et celui de l'individu comme membre d'une communauté impliquent / présupposent cette réciprocité.

Les hommes ne sont hommes qu'en tant que sujets d'une possible communauté réciproque.

Cette communauté monadique ouverte est appelée intersubjectivité transcendantale.
Cette intersubjectivité est constituée en moi et exclusivement en moi, à partir de mon intentionnalité.
Mais la même intersubjectivité est constituée chez les autres, au mode d'apparition subjectif près. Et elle comprte le même monde objectif.

Donc, il appartient à l'essence du monde transcendantal constitué en moi d'être un monde humain.

La constitution psychique du monde objectif se comprend comme mon expérience du je qui fait l'expérience de lui-même comme être humain.

§ 57

L'âme est une auto-objectivation de la monade qui s'accomplit dans la monade elle-même.

La théorie psychologique du psychisme profond est la réalisation sur le terrain naturel – après abandon de l'attitude transcendantale – de la théorie transcendantale et phénoménologique.

§ 58

La constitution de l'humanité
Certains actes du je personnel, de moi à toi, ont le caractère d'actes sociaux qui permettent l'établissement d'une communication humaine personnelle.

Avec la communautarisation sociale, qui est la communautarisation véritable, se constituent différents types de communautés sociales. Il s'agit d'objectivités spirituelles, de personnalités d'ordre supérieur.

Chaque homme, chaque communauté humaine se constitue un monde ambiant spécifiquement humain (culturel) qui présente un mode d'objectivité spécifique et limité.

Ici, il faut distinguer la nature dont l'accès est inconditionné (tout le monde vit a priori dans la même nature) et le monde culturel, doté de significations humaines.

Chaque homme a pour environnement humain concret la culture de sa propre communauté.

La compréhension du présent est déterminée par celle du passé. Tout membre d'une communauté se voit ouvrir cet horizon du passé qui reste fermé à celui qui entre en relation avec cette communauté à partir d'une autre.

La constitution d'un monde est toujours une constitution orientée. Le terme est peu parlant. Ce dont il s'agit, c'est qu'un monde est toujours construit à partir d'autre chose.
On dira qu'elle part d'un constitué primordial et aboutit à un constitué secondaire. Ce dernier n'est que le constitué primordial doté d'une nouvelle couche de sens (il y a conservation du primordial dans le secondaire).
Quelques exemples :
a) Le système de la temporalité (c.s.) devient accessible à partir du présent vivant (c.p.) ;
b) La nature (spatiale) se constitue à partir du corps propre ;
c) Le monde objectif de l'extériorité se constitue à partir du corps propre psychophysique ;
d) La multiplicité du monde étranger nous est donnée (est orientée) en fonction de mon propore monde.

Le monde en tant que monde des cultures a pour soubassement (c.p.) la nature universelle et sa forme d'accès spatio-temporelle, laquelle s'est constituée à partir de mon corps propre.

Le monde de la culture est donc donné comme orienté dans une relation à un point zéro, une personnalité (moi dans ma culture).
Moi et ma culture : terme primordial face à toute culture étrangère. Cette dernière ne me devient accessible qu'à travers une sorte d'empathie.


L'être humain est lié à un monde pratique (pré-) existant, déjà doté de prédicats dont la signification est de provenance humaine. A ma naissance, je suis tombé dans un bain de langage et de significations déjà constituées. La communauté des hommes est antérieure à l'existence du sujet individuel.

Cela nous amène à la question de la modification constante du monde vécu humain et à celle de la genèse (origine et développement) de la personnalité.

Dans le processus systématique d'explication transcendantale et phénoménologique de l'ego apodictique, le sens transcendantal du monde doit finalement se découvrir à nous jusque dans son intégrale concrétion (dans ses aspects les plus concrets), en tant qu'il est notre monde vécu permanent à nous tous.

§  59

Critique de Heidegger. En réalité, Heidegger n'est jamais nommé. Pourtant, l'orientation du paragraphe est claire. Sein und Zeit était déjà paru au moment de la rédaction des Méditations Cartésiennes.
En gros, Husserl reproche à son « disciple » son manque de rigueur phénoménologique. Sein und Zeit ne se situe pas dans le programme « a priorique » exquissé par Husserl. (L'expression « a priori » apparaît au moins treize fois dans ce paragraphe !)
Heidegger s'est affranchi de la subjectivité transcendantale et a conduit son analytique du Dasein et son ontologie sur le terrain du monde naturel. La base cognitive naturelle a pris la place de la base transcendantale.
C'est intéressant, mais il ne sagit pas de philosophie au sens où l'entend Husserl.

§ 60

On peut parler ici de métaphysique, à condition que ce terme désigne bien les ultimes connaissances sur ce qui est. La métaphysique contemporaine n'a plus rien de commun avec cela.

Résultats métaphysiques :
- Mon ego qui m'est à moi-même donnné apodictiquement ne peut être a priori qu'un ego qui fait l'expérience du monde, pour autant qu'il est en communauté avec d'autres ego, ses semblables. Il est membre d'une communauté monadique donnée et orientée en fonction de lui.

- Aucune pluralité monadique n'est pensable autrement que comme une pluralité communautaire.

- Le monde objectif se constitue, se spatialise, se temporalise, se réalise soi-même au sein d'une pluralité de monades.

- La coexistence (simultanéité) des monades renvoie par essence à une temporalité ontique.

- La coexistence de deux mondes infiniment séparés est un non-sens. Il ne peut y avoir qu'une seule communauté monadique (de toutes les monades coexistentes), donc un seul monde objectif, un seul temps objectif, un espace objectif, une nature.

La phénoménologie transcendantale permet donc de donner un sens à des problèmes que la tradition situait au-delà des frontières de toute science.

§ 61

La question de la genèse du psychisme, la question de la psychologie.
Comment l'enfant se construit-il sa propre représentation du monde ?

Les problèmes de genèse,  mais aussi ceux de la naissance et de la mort relèvent d'une dimension supérieure et présupposent un travail interprétatif trop énorme pour être abordés ici.

On peut cependant faire la critique de la psychologie moderne. Celle-ci ne comprend pas la spécificité de l'analyse intentionnelle quand elle tente d'élucider l'origine psychologique des représentations de l'espace, du temps et de la chose.
Il s'agit exclusivement là de problèmes de constitution intentionnelle pour des phénomènes qui nous sont déjà prédonnés comme fils conducteurs, et qui ne doivent être interrogés qu'à l'aide d'une méthode intentionnelle ausein des réseaux universels de la constitution psychique.

Husserl en appelle à la constitution d'une psychologie intentionnelle a priori et pure (affranchie de toute ce qui est psychophysique).

§ 62

Avons-nous atteint l'objectif fixé au début de cette 5e Méditation ? Avons-nous dépassé le solipsisme transcendantal ?

Nous avons surtout compris que l'objection du solipsisme est inconsistante.

- L'autre a été trouvé sans que jamais ne soit abandonnée l'attitude transcendantale,

-  parce que l'alter ego est établi au sein de l'intentionnalité expérimentatrice de mon ego.

Dans mon expérience propre, je fais l'expérience de l'autre. L'ego trouve toute transcendance par auto-élucidation. Je l'acquiers en élucidant ce que je trouve en moi en tant que transcendance transcendantalement constituée.

Au départ, il est vrai, je ne comprends pas comment je parviendrais aux autres et à moi-même (concret) après avoir mis les autres hommes entre parenthèses.
Mais si je me mets entre parenthèses moi-même (en tant qu'homme concret), je me reconnais comme ego.
A ce stade, comme ego, je suis tenté de me prendre pour un solus ipse. Mais le solipsisme n'est qu'une apparence. C'est ce qui a été démontré dans les développements qui précèdent.

L'idéalisme phénoménologique et transcendantal (tout ce qui est pour moi ne peut tirer son sens d'être que de moi) s'est révélé être une monadologie, qui n'a rien d'une spéculation métaphysique.

Conclusion :
Le monde a un sens.
Il n'a ce sens qu'à partir de notre expérience.
Mais ce sens, il l'a pour nous avant la moindre réflexion philosophique.
Il nous appartient de le dévoiler philosophiquement.

F I N

CAFE-BABEL

Sigmund Freud, Die Traumdeutung (L'Interprétation des rêves), 1900

Remarque préliminaire

Ce livre, à notre connaissance, est le plus long que Freud ait écrit. Il s'agit d'un texte fondateur, le premier des trois ouvrages consacrés à la « grammaire » de l'inconscient. Les deux autres sont :
                    - La Psychopathologie de la vie quotidienne (1904);
                    - Le Mot d'esprit et son rapport avec l'inconscient (1905).

L'ouvrage, nous l'avons dit, est volumineux et s'il n'est pas très ardu de le lire en entier, on éprouve une certaine difficulté à en exploiter toutes les richesses.
Certes, les principales thèses de Freud à propos du rêve sont assez simples à résumer ; mais le livre fourmille de remarques très pertinentes, formulées au gré des très nombreuses analyses de rêves qui s'y trouvent.
Nous essaierons donc, d'une part, de présenter un résumé sommaire des sept chapitres de l'ouvrage et tenterons d'autre part de recenser et de classer toutes les remarques éparpillées dans le texte, qu'elles portent sur la nature du rêve ou sur la méthodologie de l'interprétation.


CAFE-BABEL

Avertissement aux amateurs de copier-coller et aux gardiens de l'orthodoxie
Ce texte est un document de travail, pas un exposé magistral. Son contenu ne saurait faire autorité.


Le premier chapitre, fort long, est consacré à la recension de la plupart des ouvrages sur le rêve dont Freud disposait au moment de la rédaction de son Interprétation du rêve.
Il ne présente qu'un intérêt secondaire et peut être facilement laissé de côté.

CAFE-BABEL

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 2
La méthode de l'interprétation du rêve
Analyse d'un échantillon de rêve

100
Proposition 1
Les rêves sont susceptibles d'une interprétation.
C'est l'affirmation primordiale de l'ouvrage et elle ne va pas de soi.
- Un rêve veut donc toujours dire quelque chose.
- Ce qui pose d'emblée deux questions :
a) Celle de la fonction signifiante du rêve : qu'est-ce que le rêve signifie et à quoi cela peut-il servir qu'il ait un sens ?
b) Celle de l'interprétation proprement dite : comment accède-t-on à ce sens ?

« … car interpréter un rêve, cela veut dire indiquer son « sens », le remplacer par quelque chose qui s'insère dans l'enchaînement de nos actions animiques comme un maillon d'une importance pleine et entière et de même valeur que les autres. »

Le rêve demande donc à être remplacé par du sens.
Retenons dans cette citation la notion d'enchaînement, la métaphore de la chaîne : le sens du rêve est un maillon dans une chaîne de sens.
101
Le rêve remplace un autre processus de pensée.
104-105
Présentation historique du problème
« Il me faut affirmer que le rêve a effectivement une signification et qu'un procédé scientifique d'interprétation du rêve est possible. Je suis parvenu à la connaissance de ce procédé de la manière suivante : … »
C'est dans le traitement de « certaines formations psychopathologiques (phobies hystériques, représentations de contrainte, etc.) que Freud s'est trouvé confronté au rêve.
Reprenons en détail l'exposé de Freud.
- Freud se situe dans la ligne de Breuer.
- Expliquer le symptôme, c'est en libérer le patient.
« Si l'on a pu ramener une telle représentation pathologique aux éléments dont elle procède dans la vie d'âme du malade, cette représentation est d'ailleurs désagrégée et le malade en est libéré. »

Lors du travail d'élucidation : « Les patients à qui j'avais fait l'obligation de me communiquer toutes les idées incidentes et pensées qui s'imposaient à eux à propos d'un thème déterminé me racontaient leurs rêves et m'apprenaient ainsi qu'un rêve peut se trouver inséré dans l'enchaînement psychique qu'on doit suivre en amont dans le souvenir à partir d'une idée pathologique. »
On retrouve ici la notion de maillon.
Le rêve apparaissait comme un symptôme. On était porté à lui appliquer la même méthode d'interprétation que pour les symptômes.

Méthode
a) Une certaine préparation psychique du malade est nécessaire en vue :
- d'intensifier l'attention pour les perceptions psychiques ;
- de mettre hors circuit la critique visant les pensées qui émergent.
Il s'agit de prendre en considération et de communiquer tout ce qui passe par l'esprit, y compris les idées incidentes.
106
La condition psychique de l'homme qui réfléchit (nachdenkt) est tout autre que celle de l'homme qui observe ses processus psychiques.
La différence est dans l'abandon de l'attitude critique, qui conduit :
- à rejeter une partie des idées incidentes ;
- à ne pas suivre les chemins de pensée que d'autres ouvriraient ;
- à maintenir hors de la conscience d'autres idées encore.

Une multitude d'idées incidentes viennent à la conscience de celui qui abandonne l'attitude critique.
« Il s'agit d'instaurer un état psychique ayant en commun avec celui précédant l'endormissement (et l'état hypnotique) une certaine analogie dans la répartition de l'énergie psychique. »

L'énergie consacrée à la critique diminue tandis qu'augmente celle consacrée à la poursuite des idées non voulues (auto-observation).

Lors de l'endormissement, des représentations non voulues se transforment en images visuelles et acoustiques.

Des représentations non voulues, on fait des représentations voulues.

108
« La plupart de mes patients y arrivent après la première instruction ; moi-même, je puis le faire parfaitement bien si je me procure un appui en mettant mes idées incidentes par écrit. »
- La consigne est facile à comprendre et s'applique sans peine.
- La remarque de Freud : « … je puis le faire parfaitement bien si je me procure un appui ». Cet appui, dans l'analyse est fourni par l'analyste ou plutôt par la situation de communication propre à l'analyse. Il faut insister sur cette nécessité d'un appui. Cette remarque ouvre par ailleurs des perspectives sur la création littéraire. Ne serait-elle pas faite justement d'un enchaînement d'idées incidentes ?

Méthode
b) Ne pas attacher l'attention au rêve dans sa totalité, mais sur telles ou telles parties de son contenu.
« Quand je demande au patient non encore exercé : « Que vous vient-il à l'idée à propos de ce rêve ? », il n'est pas en mesure, en règle générale, de saisir quoi que ce soit dans son champ de vision mental. »
Il faut saisir le rêve sous une forme fragmentée.
Pour chaque fragment, une série d'idées incidentes : pensée d'arrière-plan de cette partie du rêve.
Il s'agit de concevoir le rêve d'emblée comme quelque chose de composé : un conglomérat de formations psychiques.

Analyse d'un rêve : l'injection faite à Irma

Freud commence par justifier son choix : il analysera l'un de ses propres rêves.

Remarques incidentes mais tout à fait importantes :
a. Le thème qui est dans la ligne de mire des rêves de névrotiques est toujours l'histoire de maladie qui est à la base de la névrose.
b. « Je m'attends à ce que chez des personnes différentes et aussi dans un contexte différent, le même contenu de rêve puisse cacher aussi un autre sens.

110
L'analyse d'un rêve comporte trois parties
a) Le rapport préliminaire comporte toutes les circonstances pouvant éclairer le rêve. On va chercher dans le réel tout ce qui peut aider à la compréhension du rêve.
111
b) La transcription du rêve
(Voir le texte de Freud.)
112
c) L'analyse du rêve
Le récit du rêve est repris phrase par phrase et expliqué.
Je ne vais pas ici reprendre le rêve lui-même, car l'analyse de Freud est difficilement résumable. Chacun se reportera avec profit au texte lui-même. En revanche, je vais m'efforcer de tirer de cette analyse tous les éléments qui nous permettront de comprendre la démarche de Freud. La portée de certaines remarques se limite au rêve lui-même ; d'autres ont une importance méthodologique tout à fait générale.

L'analyse du rêve se déroule elle-même par associations selon le principe du relâchement de l'activité critique.
115-122
- Le rêve est clairement rattaché à des événements de la veille.
- Ce rêve-ci anticipe un événement prévu qu'on est en train de préparer.
- Le rêve répond à une intention que l'on peut identifier. Ici, la disculpation ( ce n'est pas ma faute).
- Un personnage peut en cacher un autre (substitution) : dans son apparence, l'Irma du rêve diffère de l'Irma réelle ; on doit penser qu'une autre personne est en cause et se substitue à elle dans le rêve.
- Lors d'une analyse attentive, on sent si l'on a épuisé ou non les pensées d'arrière-plan auxquelles il faut s'attendre.
- Nouvel indice de substitution de personne : un troisième personnage se profile derrière Irma.
- On reconnaît un lien entre les trois personnages : elles sont récalcitrantes au traitement de Freud.
- Métonymie : Freud examine la bouche de la patiente ; sa bouche s'ouvre fort bien. L'organe renvoie à l'une de ses fonctions, la parole : cette patiente en dirait plus qu'Irma.
- Ce que Freud voit dans la bouche d'Irma lui fait penser à sa propre fille et à lui-même.
- Un adverbe (J'appelle vite en consultation le Dr M. …) rappelle une erreur médicale commise sur une patiente portant le même nom que la fille aînée de Freud, Mathilde. Encore la culpabilité.
- Un personnage secondaire, également identifié, présente des caractère qui appartiennent à une autre personne, le propre frère de Freud.
- Des personnages différents sont comparés. Les caractéristiques de l'un mettent en relief les caractéristiques opposées de l'autre.
- Glissement (rail sur lequel la liaison de pensée se déplace dans le rêve) : de l'enfant malade à l'Institut des enfants malades.
- Freud repère sur la patiente un symptôme qu'il ressent lui-même.
- La manifestation dans le rêve des symptômes d'une affection organique permet à Freud de noter que son procédé de traitement n'est pas en cause dans l'échec qu'il rencontre avec Irma.
- La formule chimique : triméthylamine. Dans un seul mot se rencontrent un grand nombre de choses importantes : allusions au facteur surpuissant de la sexualité, à une personne en particulier.
- Un élément (inflammation veineuse) permet la réunion, voire la superposition dans le même rêve de trois personnes : la femme de Freud, Irma, la défunte Mathilde.
123

« Pendant ce travail, j'avais du mal à me défendre contre toutes les idées incidentes que la comparaison entre le contenu du rêve et les pensées du rêve cachées derrière ne pouvaient manquer de susciter. »
J'ai évidemment de la peine à comprendre cette phrase. Il semble qu'il y ait un conflit entre la position du rêveur qui énonce sans se défendre toutes les idées incidentes qui lui viennent, et l'interprète qui doit organiser son interprétation.

L'analyse de chaque élément du rêve étant achevée, on passe à la synthèse.

a) Etablissement du « sens » du rêve
Le rêve accomplit quelques souhaits qui ont été éveillés par les événements de la dernière soirée.
« Ce n'est pas moi, c'est Otto qui est responsable des souffrance d'Irma. »
« Le rêve présente un certain état des choses tel que j'aimerais le souhaiter ; son contenu est donc un accomplissement de souhait, son motif un souhait. »

b) Remise en perspective des éléments du rêve à partir de ce sens établi
On y retrouve une série redondante d'arguments qui contribuent sans souci de cohérence à disculper Freud.

- Les personnages susceptibles de reprocher quelque chose à Freud ou de lui résister sont disqualifiés.
Acharnement contre Otto
La veille, Otto avait fait une remarque qui a été reçue par Freud (inconsciemment) comme un reproche.
Dans le rêve, Freud impute à Otto et non à lui-même la mauvaise santé d'Irma ; mais en plus, il lui reproche de lui avoir fait cadeau d'une liqueur gâtée ; enfin, il oppose à Otto le désaveu d'un confrère plus fiable. Otto est « congédié » au profit de Léopold.
Vengeance contre une patiente indocile
Freud lui substitue dans le rêve une patiente plus raisonnable. Irma est « congédiée » au profit d'une autre patiente.
Dénigrement du Dr M. à qui on fait dire des stupidités.

- Irma est responsable de son état de santé parce qu'elle refuse la solution proposée par Freud.

- Et puis de toute manière, l'affection dont souffre Irma est d'origine organique. Freud n'y est donc pour rien.
125
« Tout le plaidoyer – ce rêve n'est rien d'autre – rappelle vivement la défense de l'homme qui était accusé par son voisin de lui avoir rendu un chaudron en mauvais état. Premièrement, il l'avait rapporté intact, deuxièmement, le chaudron était déjà troué lorsqu'il l'a emprunté, troisièmement il n'a jamais emprunté le chaudron à son voisin. Mais c'est tant mieux : si une seule de ces trois manières de se défendre est reconnue comme recevable, l'homme doit être acquitté. »

Conclusion du chapitre
L'ensemble des données du rêve renvoie à une seule sphère de pensée : soucis concernant la santé, celle de Freud et celle des autres.

Le malaise ressenti à la réception de la remarque d'Otto sur la santé d'Irma signifie : tu n'es pas un médecin consciencieux.

Tous les éléments du rêve sont mobilisés pour prouver le contraire à tout prix.
126
Proposition 2
Une fois achevé le travail d'interprétation, le rêve s'avère être un accomplissement de souhait.


CAFE-BABEL

Avertissement aux amateurs de copier-coller et aux gardiens de l'orthodoxie
Ce texte est un document de travail, pas un exposé magistral. Son contenu ne saurait faire autorité.


Ces notes ont pour but d’aider à la lecture de l’ouvrage ; elles ne sauraient donc se substituer à celle-ci.
Les lettres (a., b., c.) signalent un alinéa.

EMMANUEL KANT
CRITIQUE DE LA RAISON PURE

Notes de lecture
A partir de la traduction d’Alain Renaut, GF-Flammarion

INTRODUCTION


I. De la différence entre la connaissance pure et la connaissance empirique
-93-
a. Toute notre connaissance commence avec l’expérience.
b. Il n’en résulte pas que notre connaissance dérive en totalité de l’expérience.
c. Si l’on parvient à montrer qu’il existe des connaissances qui ne dérivent pas de l’expérience, on les nommera connaissances a priori.
-94-
a. Discussion : On appelle couramment a priori une connaissance qui découle de l’expérience mais pas directement. Par exemple, celui qui mine les fondements de sa maison peut savoir a priori qu’elle s’écroulera.
b. Dans cet ouvrage, nous réserverons le terme de connaissances a priori aux connaissances absolument indépendantes de toute expérience. Les connaissances pures forment un sous-ensemble des connaissances a priori. Rien d’empirique n’est mêlé à une connaissance pure.

II. Nous sommes en possession de certaines connaissances a priori, et même l’entendement commun n’est jamais sans posséder de telles connaissances.
c. Le critère pour distinguer une connaissance pure d’une connaissance empirique.
Est a priori une proposition dont la pensée inclut la nécessité. Cette proposition doit être rigoureusement universelle : aucune exception possible.
-95, 96-
a. Exemples puis démonstration de l’existence de purs jugements  et de purs concepts a priori.
- dans les sciences : les propositions mathématiques ;
- dans l’usage de l’entendement, par exemple, la proposition  « Tout changement doit avoir une cause »;
- les concepts d’espace et de substance.

III. La philosophie requiert une science qui détermine la possibilité, les principes et l’étendue de toutes les connaissances a priori
-97-
a. Ce qui frappe, ce n’est pas la rareté des connaissance a priori, mais au contraire leur surabondance. On se donne le droit d’affirmer des quantités de choses indépendamment de toute expérience (abandonnant le domaine de toutes les expériences possibles), donc a priori.
b. Kant parle ici de la métaphysique dogmatique qui traite allégrement de Dieu, de la liberté, de l’immortalité.
Un champ au-delà du monde sensible dans lequel la raison n’est pas bornée par l’expérience.
-98-
a. Ce paragraphe est vraiment long. Je le scinde en trois parties :
a1. (jusqu’à « … pourraient être de nature tout à fait différente. », 15e ligne avant la fin)

Un foisonnement de connaissances et de principes dont on ne connaît pas l’origine.
Comment l’entendement peut-il parvenir à toutes ces connaissances a priori ?
Les mathématiques ont réussi à fonder leurs propres affirmations ; pourquoi pas la métaphysique ?
-99, 100-
a2. (jusqu’à « … d’un tel examen tardif et dangereux. », milieu de la page 99)
Kant dénonce l’ivresse du discours dogmatique qui se construit à l’abri de toute réfutation possible par l’expérience.
Il semble distinguer la raison qui articule les concepts et peut juger de leurs fondements, de l’entendement qui s’applique à la compréhension des phénomènes dans l’expérience. Mais la distinction est loin d’être systématique.
Exemples de la colombe qui aspire à voler dans le vide et de Platon qui erre dans l’espace vide de l’entendement pur.

a3 (jusqu’à la fin)
Qu’est-ce qui fait que les édifices de la raison dogmatique sont si fragiles ?
La raison procède le plus souvent de façon analytique. Elle enchaîne les concepts à partir de l’analyse de concepts existants, ce qui n’élargit par vraiment le champ de nos connaissances.

IV De la différence des jugements analytiques et des jugements synthétiques
-100-
Un jugement lie un prédicat B à un sujet A.
Kant distingue deux types de jugements :
- le jugement analytique
Le prédicat B ne fait que rendre explicite quelque chose qui fait partie du sujet A. Le prédicat n’ajoute rien au concept du sujet. Développer A, c’est penser B.  Exemple : Tous les corps sont étendus.
- le jugement synthétique
Le prédicat B n’est pas inclus dans le sujet A, bien que le jugement établisse un lien de nécessité entre les deux. Développer A ne conduit pas à B. B ajoute quelque chose au contenu de A. Exemple : Tous les corps sont pesants.
-101-
a. Les jugements d’expérience sont tous synthétiques (a posteriori).
Si ce n’était pas le cas, l’expérience serait inutile, puisque la simple pensée de A poserait B comme nécessaire.
L’expérience trouve ici sa définition : elle effectue la liaison synthétique des intuitions. Elle démontre le lien entre deux concepts dont aucun n’est inclus dans l’autre.
-102,103-
b. Peut-on parler de jugements synthétiques a priori ?
Dans ce cas, le lien nécessaire entre A et B ne peut pas être démontré dans l’expérience. Sur quoi s’appuyer pour l’établir ?
Exemple : Tout ce qui arrive possède une cause.
L’analyse du concept « quelque chose qui arrive » ne peut pas donner le concept de cause. Il faut établir et fonder le lien de nécessité entre ces deux concepts.
Sur quoi l’entendement se fonde-t-il ? Quel est l’équivalent de l’expérience (garantie des jugements synthétiques a posteriori) pour les jugements synthétiques a priori ?
La question est ici seulement posée.
+ A ce stade, il faut bien saisir l’enjeu :
- Pourquoi Kant s’intéresse-t-il tellement aux jugements synthétiques a priori ?
Il  s’interroge sur la possibilité même de la philosophie et sur la consistance du discours de celle-ci. En particulier : La métaphysique est-elle possible ? Sur quoi se fonde-t-elle ? Jusqu’où peut-elle aller ?
Or, les propositions de la métaphysique sont des propositions a priori (formulées indépendamment de l’expérience), et des propositions synthétiques (elles ajoutent à leur sujets des déterminations qui n’y figuraient pas au départ ; en d’autres termes, de proposition en proposition, le champ des connaissances s’étend).
Donc, la question de la métaphysique dépend de celle de l’existence et de la consistance des propositions synthétiques a priori. +
-103-
V. Dans toutes les sciences théoriques de la raison sont contenus des jugements synthétiques a priori faisant fonction de principes

Ce point V. est divisé en trois parties numérotées 1, 2, 3.
1. (Mathématique et géométrie)
a. Les jugements mathématiques sont tous synthétiques. Kant pense être le premier à le noter.
L’erreur a été de croire que puisque toutes les propositions des mathématiques obéissent nécessairement au principe de contradiction (critère d’apodicticité, de vérification après coup), elles soient produites au moyen de ce principe.
En elle-même, une proposition synthétique ne peut pas être saisie d’après le principe de contradiction.
-104-
a. Les propositions de la mathématique pure sont toujours des jugements a priori.

b. 7 +  5 = 12 
Une propositions synthétique a priori, selon Kant. (Certains logiciens, dont Frege, ne sont pas du tout d’accord avec ça.) On peut critiquer cet exemple, mais attention, ce serait passer à côté de ce que Kant veut expliquer : la manière dont se construit un jugement synthétique a priori, la manière dont s’effectue la synthèse.
Celle-ci s’opère par le moyen de l’intuition.
En effet, le passage de A à la proposition A=>B (en math. la découverte de la démonstration) s’opère à l’aide d’une intuition.
En quoi consiste-t-elle ?
Partant du nombre 7, je songe à décomposer 5 en unités en m’appuyant sur l’intuition que 5 est une somme d’unités. J’ajoute ces unités une à une et j’aboutis à 12.
+Cet exemple me semble vraiment mal choisi. Poser 7+5, c’est supposer défini le concept de somme. Or, ce concept ne découle-t-il pas lui-même de l’idée que tout nombre entier est une somme d’unités ? la somme de deux sommes d’unités est une somme d’unités, donc un nombre, que nous appellerons ici 12.+
Sans nous attarder sur cet exemple, retenons seulement que la synthèse, c’est à dire le lien constitutif de la proposition (dont l’apodicticité sera établie après coup grâce au principe de contradiction), est établie à l’aide d’une intuition.
-105-
a. Les axiomes de la géométrie pure sont des poropositions synthétique a priori.
+Kant passe ici des propositions quelconques des mathématiques pures à un type de proposition tout à fait particulier : les axiomes. Il faut noter qu’une proposition quelconque est toujours déduite d’une proposition antérieure ; ce n’est pas le cas des axiomes. Comment un axiome est-il pensé ?+

b. Curieusement, Kant ne va pas examiner en détail un axiome de la géométrie, mais deux principes logiques indispensables à la démonstration, deux propositions analytiques.
C’est pour montrer que même une proposition analytique suppose la mise en œuvre de l’intuition.
- Le tout est égal à lui-même ;
- Le tout est plus grand que sa partie.
D’abord, bien qu’analytiques ce sont des propositions, pas de simples concepts. Penser le concept « tout », ce n’est pas la même chose que penser la proposition « Le tout est égal à lui-même ». En fait, lorsque le concept est donné, le prédicat n’est pas automatiquement pensé.

2. (Axiomes de la physique théorique)
b. « Dans tous les changements du monde des corps, la quantité de la matière demeure inchangée. » et « Dans toutes communication du mouvement l’action et la réaction doivent nécessairement être toujours égales l’une à l’autre. » sont des propositions synthétiques pensées a priori et forment la partie pure de la science nature.
-106-
3. Qu’en est-il de la métaphysique ?
S’il y a une métaphysique rigoureuse, scientifique, elle doit comporter des axiomes, c’est-à-dire des connaissances synthétiques a priori.
-106-
VI. Problème général de la raison pure
+L’enjeu signalé plus haut, Kant le formule ici explicitement.+

b. Le véritable problème de la raison sera contenu dans la question : Comment des jugements synthétiques a priori sont-ils possibles ?
-107-
Les graves défauts de la métaphysique (incertitude et contradiction) ont deux causes :
- On n’a pas conçu la différence entre jugement analytique et jugement synthétique ;
- On n’a pas réussi à poser le problème de la possibilité des jugements synthétiques a priori.
La possibilité ou l’impossibilité de la métaphysique dépendent de la réponse à cette question.
Hume conclut clairement à son impossibilité, mais Kant lui reproche un empirisme qui rend impossibles la mathématique et la physique pures.

c. De la solution du problème de la possibilité des jugements synthétiques a priori découlent :
- la possibilité ou non de l’usage pur de la raison ;
- la possibilité ou non d’une mathématique et d’une physique pures.

d. Mais ces sciences existent, puisqu’elles sont effectivement données. Pour la métaphysique, en revanche, on peut douter qu’elle ait jamais existé.
-108-
a. Pourtant, nous éprouvons une disposition naturelle pour la métaphysique.

b. Mais cela ne suffit pas à fonder une métaphysique rigoureuse.
Ce qu’il faut établir avec certitude, c’est si elle peut ou non atteindre à un savoir des objets qu’elle se donne.
On bien on donne à la raison pure un champ qui puisse s’étendre, ou bien on lui impose des bornes déterminées et sûres.
D’où cette reformulation de la question : Comment la métaphysique est-elle possible en tant que science ?
-109-
a. Répondre à cette question, c’est procéder à la critique de la raison.
Deux possibilités :
- la critique de la raison qui aboutit à la science ;
- l’usage dogmatique de la raison qui conduit à un affrontement d’affirmations sans fondement et au scepticisme.

b. La critique de la raison est une science de faible ampleur. « … elle a affaire non à des objets de la raison dont la diversité est infinie, mais uniquement à elle-même, à des problèmes qui surgissent entièrement de son sein et qui lui sont proposés, non par la nature des choses qui sont différentes d’elle, mais par sa propre nature. »
c. Une métaphysique ne peut s’édifier par la voie analytique, par simple décomposition des concepts résidant a priori dans notre raison.
Pourquoi ?
Parce que ce qui importe n’est pas le contenu de ces concepts, mais la manière dont nous parvenons a priori à ces concepts.
-110-

VII. Idée et division d’une science particulière portant le nom de critique de la raison pure
+Le titre rend exactement compte du contenu de la subdivision.+

a. La raison pure contient les principes permettant de connaître quelque chose absolument a priori.
Suivent une série de propositions et de définitions :
- La raison est le pouvoir qui fournit les principes de la connaissance a priori.
- Organon de la raison pure : principes d’acquisition et d’établissement des connaissances pures a priori.
- En appliquant cet organon, on obtient un système de la raison pure.
- Propédeutique au système ou critique de la raison pure : science permettant d’apprécier la raison pure, ses sources, ses limites.
- Connaissance transcendantale : une connaissance qui s’occupe moins d’objets que de notre mode de connaissance des objets en tant que cette connaissance est possible a priori.
- Philosophie transcendantale : système des concepts ayant trait à la possibilité des connaissances a priori.
-111-
Le projet de Kant est plus limité que celui de la philosophie transcendantale. Il n’ira pas plus loin que ce qu’il faudra pour apercevoir dans toute leur étendue les principes de la synthèse a priori.
Il ne développera de la philosophie transcendantale que la partie visant à rectifier les connaissances, à fournir la pierre de touche de la valeur ou de l’absence de valeur de toutes les connaissances a priori.
Il s’agit uniquement du pouvoir de la raison pure lui-même.
-112-
La critique de la raison pure a pour tâche de tracer le plan de la philosophie transcendantale de façon architectonique, c’est-à-dire en partant de principes et en garantissant que toutes les pièces de l’édifice sont là.
-113, 114-
a. La philosophie transcendantale est une philosophie de la raison pure simplement spéculative et non pratique.  « Tout ce qui est pratique, en tant qu’il contient des mobiles, entretient une relation avec des sentiments qui relèvent de sources empiriques de la connaissance. »
b. Nous devons absolument prendre en compte le fait que les deux sources de la connaissance humaine sont la sensibilité, par laquelle des objets sont donnés, et l’entendement, par lequel les objets sont pensés.
La sensibilité doit contenir les représentations a priori qui constituent les conditions dans lesquelles des objets nous sont donnés.

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